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I

Les expériences de M. Marconi ont été faites sur une plus grande échelle, avec des moyens plus puissans. L’ingénieux électricien a trouvé partout un favorable accueil, en France et en Angleterre. La presse et beaucoup de personnages influens de la Grande-Bretagne se sont intéressés à son invention dès le début. Le prince de Galles en fit l’essai et put communiquer à quelques kilomètres de distance, de la côte avec le yacht qui portait Sa Gracieuse Majesté la reine Victoria. Le gouvernement français, de son côté, a accordé toutes facilités à ces expériences. Les administrations de la Marine et de la Guerre les suivent avec attention. Tout récemment, l’aviso l’Ibis, sur lequel était embarquée la commission officielle et notre attaché naval à Londres, a exécuté des essais très intéressans. Il a pu, tout en évoluant au large, envoyer des télégrammes en France et en Angleterre, et en recevoir de ces deux pays. Le message expédié de l’Ibis à l’ambassadeur M. P. Cambon lui a été remis exactement une heure quarante minutes après son envoi.

Ainsi, non seulement la communication est établie d’une rive à l’autre du détroit sans fil, sans câble, sans lien direct, mais elle est encore assurée d’une manière permanente entre la pleine mer et la côte, entre un navire en marche et une station terrestre. Il y a plus : une expérience toute récente, faite entre Wimereux et Sangatte, à travers le promontoire de Gris-Nez, a montré que le navire pouvait encore communiquer avec le poste côtier alors même qu’une zone terrestre de 25 kilomètres est interposée entre eux. Ce sont là des résultats très considérables. Ils en présagent de plus considérables encore, lorsque cette invention, qui n’est qu’à ses débuts, aura reçu les inévitables perfectionnemens qu’apportent le temps et l’usage. De tous côtés on s’y emploie. En Amérique, le célèbre électricien Nicolas Tesla, l’émule d’Edison, annonçait le 5 juin 1897 ou laissait annoncer par les journaux de New-York, et bientôt du monde entier, qu’il avait résolu, de son côté, le problème de la télégraphie sans fil; déjà il avait établi communication à distance de 20 milles, c’est-à-dire de 32 kilomètres environ. Aujourd’hui il ne désespère pas de faire communiquer, avant peu, l’Europe avec l’Amérique. Ce n’est pas impossible ; mais nous sommes encore bien loin d’être aussi avancés. Il ne semble pas, d’ailleurs, que les Américains soient très convaincus de la réalisation très prochaine de ce programme, car leur gouvernement,