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Mais cette catholique pratiquante ne fut jamais une catholique docile et souple; elle eut toujours le tempérament protestant; elle raisonnait, elle argumentait, elle ergotait, et les obéissances de l’esprit et du cœur n’étaient pas son fait. Si elle acceptait le dogme, elle n’accepta point la domination du prêtre ; elle se réservait le bénéfice d’inventaire et le droit de dire librement et crûment leurs vérités à ses conducteurs spirituels. Elle ne ménageait les épigrammes ni à son confesseur ni aux desservans de sa chapelle : « Samedi passé, D. Carlo Conti mourut après une maladie de cinq mois, qui n’a jamais été connue du médecin. Il m’a donné peu d’édification durant sa vie et moins en sa mort. Dieu fasse grâce et miséricorde à sa pauvre âme! D. Arbostino a donné en cette occasion toutes les preuves du plus grand et du plus sot animal du monde, et je ne crains la mort en ces lieux que pour avoir le malheur de mourir entre les mains de cette bête. » Elle ne croira pas s’abaisser en obtenant une pension du Saint-Siège ; mais elle dénoncera impitoyablement les abus de la cour papale et les scandales du népotisme ; quand elle a mis son bonnet de travers, il faut que sa bile s’évapore : « N’est-ce pas une pitié et une honte que de voir tant de millions des trésors de l’Église employés au luxe et aux appétits désordonnés de gens de rien, qui viennent de temps en temps s’assouvir du sang et des sueurs des pauvres, épuiser l’Église et son État pour nourrir des chiens, des chevaux, des b…, des ruffians et autres de ces sortes de canailles?… » Et elle s’écrie : « Pauvre Rome ! pauvre Église, où ont régné autrefois tant de vertus ! »

S’il est prouvé qu’elle ne fut pas une sainte, faut-il ajouter foi aux médisances des plus acharnés de ses détracteurs? Croirons-nous qu’elle avait abdiqué pour être libre de toute chaîne, qu’elle fut une femme sans mœurs et, comme l’affirmait un contemporain, la maggior putana del mondo? Quand on examine les choses de près, on découvre que la plupart des histoires qui ont couru sur son compte ne sont que des commérages de portiers ou, pour mieux dire, des légendes fabriquées de toutes pièces par des courtisans tombés en disgrâce. On a longtemps attribué l’inimitié de Monaldesco et de Santinelli à une jalousie d’amans, qui se disputaient le cœur de leur reine, et le meurtre du grand écuyer aux ressentimens d’une maîtresse outragée. Il passe aujourd’hui pour constant que la galanterie ne joua aucun rôle dans cette affaire. Christine commit son crime dans le temps où elle négociait avec la cour de France pour s’assurer la couronne de Naples, et tout porte à croire qu’elle soupçonnait Monaldesco d’avoir vendu ses secrets à l’Espagne : « L’amour, dit M. de Bildl, n’a été pour rien dans