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LA REINE CHRISTINE DE SUÈDE


ET SA


CORRESPONDANCE AVEC LE CARDINAL AZZOLINO

Les élèves des écoles primaires savent que la fameuse reine Christine de Suède abdiqua à l'âge de vingt-huit ans, qu'au grand scandale de la Scandinavie et à la grande surprise de l'Europe cette fille de Gustave-Adolphe se convertit au catholicisme et alla finir ses jours à Rome ; ils savent aussi qu'au cours d'un voyage en France, elle fit assassiner Monaldesco dans une galerie du palais de Fontainebleau. Ceux qui ont approfondi son histoire savent beaucoup d'autres choses encore ; mais ils ne sont pas sûrs de savoir exactement quelle sorte de femme était Christine et quel jugement il faut porter sur elle.

Il n'est pas de reine dont ses contemporains et la postérité aient parlé plus diversement : « On lui a prodigué les louanges, et le blâme ne lui a pas été épargné, nous dit son dernier biographe, M. le baron de Bildt, ministre de Suède et Norvège à Rome. En général cependant, les opinions lui ont été peu sympathiques. Les protestans ne lui ont pas pardonné sa conversion, et les catholiques lui ont reproché d'avoir trompé leur attente en ne devenant pas une sainte. Elle a froissé les Suédois par son manque de patriotisme et les Italiens en se refusant à respecter leurs traditions… Elle a surtout excité l'étonnement ; elle a traversé l'Europe comme une énigme vivante, ne laissant après elle que le souvenir d'une apparition excentrique et mystérieuse. » M. de Bildt, à qui je ne reprocherai que de s'être montré bien sévère pour quelques-uns de ses prédécesseurs, s'est appliqué à deviner cette énigme. Il n'a pas écrit une biographie en forme, il s'est contenté de retracer les grandes lignes de l'histoire de Christine après son abdication, en étudiant et débattant les principales questions qu'on a soulevées à son sujet, et, à l'aide d'une correspondance inédite, il nous fait