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d’une manière identique dans les miniatures grecques à partir du IXe siècle ; le peintre français n’a fait que copier très exactement une page d’un évangéliaire byzantin, comme il s’en répandit dans tout l’Occident. On peut aller plus loin. L’abbé Suger, nous l’avons dit, avait préparé pour les peintres verriers qu’il employait tout un programme. Cependant telle représentation, qui passerait facilement pour avoir été dessinée sous la dictée du théologien, existe déjà telle quelle dans ces miniatures que des moines ou des religieux d’Allemagne exécutaient au XIe et au XIIe siècle pour des recueils théologiques, avant-coureurs des grandes Sommes. Le Christ portant sur la poitrine une sorte de grande étoile où sept médaillons représentent les sept dons du Saint-Esprit, et accompagné de deux femmes qui symbolisent la Loi ancienne et la Loi nouvelle, est une figure toute semblable aux images compliquées que l’abbesse Uota de Kirchberg a fait dessiner, au commencement du XIe siècle, sur les feuillets d’un évangéliaire illustré pour son abbaye de Ratisbonne. Le style des figures, comme l’arrangement des inscriptions prolixes, est identique dans le manuscrit et dans le vitrail.

Il faut généraliser, bien qu’on ne puisse multiplier ici les rapprochemens. Les faits de l’Histoire sacrée et les symboles, qui forment la matière de livres comme celui de Vincent de Beauvais, avaient été traduits en silhouettes colorées bien avant que des architectes eussent ménagé dans leurs églises des baies disposées pour recevoir des vitraux. Sans même remonter à l’art chrétien des premiers siècles, on sait que le Miroir historique, Ancien et Nouveau Testament, avec les Apocryphes et les vies des saints orientaux, avait défrayé la mosaïque et la peinture byzantine. Le Miroir moral avait fourni aux miniaturistes allemands le thème de compositions savantes. Les peintres verriers qui travaillèrent pour les premières cathédrales se bornèrent à agrandir, en les modifiant légèrement, les modèles que leur fournissaient les manuscrits enluminés d’origine grecque et germanique, dans un temps où il n’existait pas encore en France une école de peinture indépendante. Or, imiter des images peintes en face d’un texte sacré ou de la glose d’un docteur par un caloyer de Byzance ou une religieuse allemande, c’était vraiment, pour l’artiste, recourir au seul livre qu’il fût capable de lire, et puiser directement aux traditions réunies des églises d’Orient et d’Occident. Le peintre de vitraux obéissait, ou bien aux indications d’un prêtre qui le