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jadis elles ont surgi. Faut-il nous borner à jouir de cette résurrection, et toute obscurité s’est-elle évanouie, du moment où nous avons répudié l’erreur qui prétendait suivre sur des églises les signes de ralliement d’on ne sait quelle franc-maçonnerie?

La collaboration des docteurs et des artistes est un fait acquis : mais les conditions dans lesquelles s’est produit ce fait, les connaissons-nous? La « concordance » des textes et des monumens est établie : mais que savons-nous sur les rapports directs qui ont uni la littérature et la sculpture du moyen âge? Nous avons constaté formellement qu’une partie importante de la cathédrale échappait à l’autorité de l’Eglise ; les artistes gardent leur province indépendante dans le grand État spirituel. Du moment que ces deux puissances, la religion et l’art, ont existé à part l’une de l’autre, il paraît nécessaire de savoir où et comment s’établissait entre elles un contact.

Si M. Mâle n’a point donné à la question ainsi posée une solution régulière, il ne faudrait pas lui faire un grief de son indécision. L’auteur, une fois acceptée l’ordonnance archaïque dont la majesté l’avait séduit, s’en trouvait prisonnier. Du spectacle des quatre Miroirs, il pouvait bien tirer une conclusion dogmatique comme celle qu’il a formulée en proclamant l’orthodoxie des cathédrales; mais il lui était difficile de suivre en même temps une recherche historique. Idées et faits se présentaient à lui, non dans leur succession réelle, mais dans un ordre purement logique, si bien qu’il peut se contenter, la plupart du temps, de donner pour date aux faits qu’il énonce : « le moyen âge. » Les docteurs et les artistes lui apparaissent hors du temps, rapprochés dans une communion surnaturelle, et la pénétration de l’esprit et de la technique se fait de soi-même, pour qui contemple à la fois les livres et les édifices sub specie æternitatis. Ainsi s’expliquent, je pense, des assertions inconciliables et qu’on peut être étonné de trouver réunies dans un ouvrage aussi serré. À la page 494, les artistes ne sont que d’humbles artisans, qui se laissent guider par « la main des hommes de l’École, des docteurs. » À la page 263, ces mêmes artistes « sont des docteurs, et de leur œuvre sort la même impression de grandeur que de certaines pages de Bossu et dans ses Elévations sur les mystères. »

Cependant, si généreuse est la science de M. Mâle qu’elle peut fournir des élémens pour reprendre la question même à laquelle il n’a fait que des réponses qui s’annulent : comment la tradition ecclésiastique a-t-elle été transmise aux artistes?