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Les cathédrales sont des encyclopédies, élevées par des générations d’hommes qui, fiers de posséder en toutes choses la certitude, ont donné à l’expression de leurs connaissances les plus pratiques et de leurs croyances les plus hautes la noblesse des œuvres d’art et la durée des pierres.

Dans le système théologique exposé sur les portails ou les roses, il ne reste point de place pour les sciences proscrites, hermétique ou alchimie, qui, hors du majestueux édifice de la science orthodoxe, faisaient obscurément leur œuvre. Nous avons trouvé dans les cathédrales le monde végétal et animal, et nous avons admis que, sauf de rares exceptions, ces images vivantes de la réalité ne recouvraient aucune idée mystique ; encore moins faut-il chercher, dans les figures humaines, dont l’Eglise nous a expliqué le sens, des allusions voilées aux métamorphoses que des esprits aventureux prétendaient suivre dans le monde minéral. On doit renoncer à trouver l’histoire diabolique de l’or dans des œuvres d’art qui retracent uniquement les histoires du Christ et de ses saints. Il n’y a dans une cathédrale ni occultisme, ni hérésie : les artistes, si libres quand il leur est permis de copier la nature pour la joie de leurs yeux, et l’exercice de leurs mains, se montrent, du premier jusqu’au dernier, soumis au dogme et dociles à l’enseignement de l’Eglise. Le commentaire perpétuel que M. Mâle a fait des cathédrales ruine à jamais l’erreur propagée par Viollet-le-Duc. Les artistes du XIIIe siècle n’ont été ni des libertins, ni des révoltés : ils ont travaillé dévotement à une grande œuvre chrétienne. Après avoir suivi jusqu’à son terme la comparaison la plus attentive qui ait jamais été réalisée de la littérature, ecclésiastique et de l’art du moyen âge, on peut affirmer que dans l’iconographie des grandes églises, tout ce qui n’est pas simplement décoratif, est purement chrétien, et l’on conclura, avec M. Mâle, que « la cathédrale est une œuvre de foi. »

Une telle conclusion a son importance, puisqu’elle détruit les légendes qui faussaient le plus étrangement l’intelligence d’un art et d’une époque, Mais, à lire le livre dont je viens d’esquisser les grandes lignes, on ne trouvera pas seulement la satisfaction de suivre l’abondante démonstration d’une vérité que Didron déjà n’avait pas méconnue. L’ouvrage de M. Mâle forme une si