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desquelles on sera toujours certain, à la condition de les traiter avec bonté, et surtout avec justice.

Plus les troupes indigènes seront nombreuses, plus on pourra diminuer, aux colonies, l’appoint des contingens métropolitains[1]. Mais, quelle que soit la réduction apportée aux effectifs français envoyés dans les pays tropicaux, il faut bien se garder d’y expédier des hommes déjà anémiés par des séjours antérieurs dans des contrées malsaines ; de là, la nécessité d’entretenir en France une forte réserve pour assurer en temps utile la relève des élémens fatigués aux colonies. N’est-ce pas une raison sérieuse pour faciliter à tous les soldats de bonne volonté l’accès de l’armée coloniale, et, par conséquent, pour considérer l’armée de terre tout entière comme en étant le réservoir?

Enfin, si des expéditions importantes, comme celles du Tonkin et de Madagascar, réclament l’appoint d’importantes troupes blanches, il faut bien se garder de recommencer la douloureuse expérience du 200e de ligne ou du 40e chasseurs, mais faire appel à nos troupes spéciales d’Afrique qui, par leur séjour prolongé dans le climat de l’Algérie et par leur apprentissage constant de la vie de campagne, semblent tout indiquées pour former la réserve de première ligne de l’armée coloniale ; les tirailleurs algériens et les régimens étrangers notamment, composés de volontaires dans la force de l’âge, doivent faire réellement partie de cette armée qui, jusqu’à présent, s’est trouvée si souvent dans l’obligation de réclamer leur concours.

Il nous reste à faire une dernière remarque, qui montrera bien ce que doit être l’armée coloniale : la plupart du temps, en Indo-Chine comme au Soudan, nos colonnes expéditionnaires ne comptent que quelques centaines de combattans dont les adversaires, mal armés et sans organisation, sont incapables d’une résistance sérieuse ; les vrais ennemis de nos soldats sont, nous l’avons déjà dit, les privations, les fièvres et toutes les maladies qui résultent de la vie sous les tropiques et de la difficulté des ravitaillemens.

Dès lors, si de petites colonnes à faible effectif sont seules appelées à opérer, pourquoi ce luxe d’officiers généraux des troupes de la Marine, personnel dont on se propose encore d’augmenter le nombre? Pourquoi donner l’organisation régimentaire à des

  1. Les contingens métropolitains ne doivent pourtant pas être réduits à plus du quart ou du cinquième.