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estimant qu’aux colonies la défense des points d’appui de la flotte ne peut être efficacement assurée que par la Marine, les amiraux ne veulent pas être privés de ces élémens qui sont à leur entière disposition; quand ils auraient besoin des troupes de terre, il leur faudrait passer par des formalités entraînant des complications et des retards; cette objection est évidemment fort juste, mais il suffit d’un accord arrêté à l’avance entre les deux ministères, pour qu’elle ne repose plus sur rien.

Le rattachement à la Guerre doit au reste être accompagné de dispositions d’ensemble relatives à la défense des frontières maritimes; car il est bien entendu, et nous insistons encore sur ce point, que le service essentiel des troupes coloniales est le service colonial. Sans doute, ces troupes concourraient, le cas échéant, à la protection de notre littoral ou de nos frontières de l’Est; mais cet emploi éventuel n’est qu’accessoire, et l’organisation des troupes coloniales, ainsi que l’outillage à leur donner, doivent être arrêtés en vue de leur but principal, c’est-à-dire du service aux colonies, qui est leur raison d’être. Or, aux colonies, les élémens indigènes rendent les meilleurs services; le facile recrutement des milices en Asie et en Afrique, le concours utile des contingens du Sénégal pendant l’expédition de Madagascar, plus récemment encore le véritable tour de force du commandant Marchand avec deux cents noirs, prouvent que l’on peut, sans inconvénient, augmenter sensiblement le nombre des troupes indigènes. Avec un petit noyau de soldats blancs pour les encadrer, les noirs suffisent parfaitement à la garde des pays dont ils ont largement aidé à faire la conquête; surtout dans les pays dont ils sont originaires, les indigènes font preuve d’une aptitude toute particulière pour le service d’avant-garde, pour l’exécution des reconnaissances, pour l’escorte des convois. Leur connaissance des lieux et leur ingéniosité à mettre en œuvre les ressources locales en font de précieux auxiliaires pour les travaux de toutes sortes qu’entraîne la construction de routes ou de postes fortifiés; les soldats indigènes peuvent en outre remplir des missions délicates; ils peuvent être interprètes, guides, courriers, espions… Et, en rendant ces services variés, à l’ombre de notre drapeau, ils s’assimilent peu à peu notre civilisation, et se naturalisent, en quelque sorte, au contact de chefs qui savent se faire aimer autant que respecter. Il n’y a donc que des avantages à accroître la part de ces troupes indigènes, de la fidélité