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guerre. Elle la fait parce qu’elle a été attaquée par l’agression de l’Autriche contre le Piémont. Elle ne pouvait pas laisser écraser l’alliée qui tient les clés des Alpes, notre frontière nécessaire. »

Jules Favre soutint au contraire que la guerre avait été voulue, cherchée par l’Empereur; à lui, et à lui seul, en revenait la responsabilité; mais il le loua d’avoir pris cette initiative. Il reproduisit en termes plus pressans mes interrogations sur le but de la campagne : « Si l’Italie tout entière se soulève, si les vieilles monarchies s’écroulent, les relèverez-vous ? Si le gouvernement des cardinaux est brisé, verserez-vous le sang des Romains pour le rétablir? » Sa conclusion, malgré l’hostilité apparente, exprimait plus d’approbation que la mienne. « En ce qui concerne votre politique intérieure, il n’y a entre nous aucun pacte possible; tant que la France sera courbée sous le joug de votre système, nous serons vos ennemis irréconciliables. » Un violent tumulte s’élève. Le président Schneider rappelle à l’orateur que le gouvernement impérial a été acclamé par une majorité assez imposante pour qu’il ne soit permis à personne de dire que la France est courbée. Jules Favre réplique: « Ce n’est pas à un membre de l’Assemblée qui a été arraché de son siège par la violence qu’il faut faire une pareille réponse. Je dis qu’entre vous et nous, sur la politique intérieure, il n’y a aucun pacte possible. Mais, si vous voulez détruire le despotisme autrichien, mon cœur, mon sang, tout mon être, sont à vous, me réservant seulement, après la victoire, de demander au triomphateur compte des principes éternels qui auront fait sa force au dehors, et qui feront la nôtre contre lui au dedans, s’il ne rend pas à son peuple la liberté qu’il aura restaurée chez une nation amie. »

Henri Martin, Jules Ferry, Hérold et beaucoup d’autres républicains nous reprochèrent avec ardeur de ne nous être pas montrés plus favorables à l’expédition libératrice, et ne cachèrent pas qu’ils nous en feraient un grief aux prochaines élections.


III

Il restait au souverain à s’expliquer avec la nation. — « Français, dit-il, l’Autriche, en faisant entrer son armée sur le territoire du roi de Sardaigne, notre allié, nous déclare la guerre. Elle viole ainsi les traités, la justice, et menace nos frontières. Toutes les grandes puissances ont protesté contre cette agression.