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de 1895, le secret de l’existence de nos troupes de la Marine.

Tous les autres projets relatifs à l’armée coloniale, — et Dieu sait si nous en avons vu éclore depuis vingt ans ! — font la même constatation et applaudissent à l’esprit d’aventure qui est resté la caractéristique de l’infanterie de marine. Pourquoi aucun de ces projets n’a-t-il abouti? Parce que chacun d’eux laisse à l’armée coloniale le triple rôle indiqué plus haut, au lieu de ne voir en elle qu’un instrument spécialement consacré à la conquête et à la garde des colonies.

Pour remplir ce triple rôle et surtout pour concourir à la défense des frontières terrestres, tous les projets étudiés successivement par le Parlement ont donné aux troupes coloniales une organisation calquée sur celle qui régit nos autres forces militaires, avec une hiérarchie complète, de telle sorte que ceux qui s’y distinguent, et ils sont légion, puissent y parcourir toute leur carrière et y arriver aux plus hauts grades. Une telle conception de l’armée coloniale est erronée ; elle ne permet pas de donner à la question une solution pratique, et elle a le tort encore plus grave d’empêcher de tirer, pour le pays, tout le parti possible des élémens qui ont triomphé des épreuves de la vie coloniale. C’est ce que nous allons nous efforcer de démontrer.

Avant de déterminer l’organisation qui convient aux troupes coloniales, il faut d’abord se préoccuper de leur direction et du ministère dont elles doivent dépendre. Sera-ce du ministère des Colonies, comme le réclame certain projet récent, sous le prétexte que c’est à ce ministère que l’armée coloniale doit surtout ses services? Assurément non; ce serait aussi illogique que de supprimer les ministères de la Guerre et de la Marine et de remettre nos forces militaires aux ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères, sous prétexte que ces forces doivent assurer l’ordre à l’intérieur et faire respecter l’honneur national au dehors.

D’ailleurs, pour rattacher les troupes coloniales au département des Colonies, il faudrait doter ce département d’organes militaires, et en faire, au petit pied, un ministère de la Guerre; mais il n’y a aucune raison sérieuse d’augmenter le nombre de nos fonctionnaires et de créer un troisième département militaire, alors qu’il est déjà si difficile de faire converger vers un même but les efforts des deux qui existent.

Ce n’est pas au ministre des Colonies qu’il appartient de diriger des opérations militaires, sur terre ou sur mer; sa fonction