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de Paris, mais il faut en citer un, commun à deux personnages très connus et qui eût mérité d’être daté d’une université d’Allemagne. Lafayette et Latour-Maubourg ont voté oui, pourvu qu’il rende la liberté de la presse.


Paris, le 17 juillet 1802.

C’est une chose bien singulière que la position respective des deux frères Bonaparte et de l’ascendant que celui-ci paraît avoir. L’ambition de Lucien est extrême. Son premier but était de profiter du pouvoir pour se procurer des richesses qui le rendissent indépendant. Le second objet de ses vues est évidemment de perpétuer l’autorité dans sa famille. Bonaparte n’aime pas cette ambition désordonnée qui pourrait le perdre, non plus que l’immoralité et le goût des plaisirs que Lucien affiche, mais en même temps il se trouve entraîné vers lui par une certaine conformité de caractère et par l’esprit de Lucien, qu’on dit très aimable dans l’intimité.

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Il s’en faut de beaucoup que Bonaparte traite avec la même indulgence tous les membres de sa famille. Lorsqu’il envoya le général Leclerc à Saint-Domingue, Mme Leclerc, sa sœur, n’avait nulle envie d’accompagner son époux. Le Premier Consul lui déclara que, tandis que Leclerc irait faire la guerre et gagner de l’argent à Saint-Domingue, il n’entendait pas qu’elle restât à Paris pour faire la coquette et s’amuser à Paris avec ses amans. Mme Leclerc allégua des raisons de santé. Bonaparte fit certifier par son médecin qu’elle était en état de faire le voyage. Elle objecta sa grossesse et les mauvais chemins de la basse Bretagne qui pourraient occasionner quelque accident. Bonaparte répondit qu’on y pourvoirait. En effet il la fit transporter en litière pendant plus de quarante lieues et la força ainsi d’accompagner son mari.

Le goût pour les façons militaires se montre dans toutes les actions du Premier Consul. Il est venu un dimanche aux Tuileries se faire dire la messe par l’Archevêque de Paris et recevoir le serment de quelques nouveaux évêques. Eh bien ! le prélat âgé de plus de quatre-vingts ans qui officia dans cette occasion n’en avait pas même été prévenu la Abeille. Il était habillé pour célébrer pontificalement à Notre-Dame lorsque une ordonnance vint lui signifier les ordres du Consul. Il fallut obéir et se rendre aux Tuileries, où Bonaparte, qui n’a jamais faim et qui ne sait peut-être pas qu’il faut être à jeun pour dire la messe, fit attendre l’octonaire