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Une dame, très liée avec l’abbé Rousseau, nouvel évêque de Coutances et ci-devant prédicateur du Roi, lui demandait comment on devait l’appeler : « En public, Monsieur, répondit-il, mais entre amis, on peut m’appeler Monseigneur. » Un évêque de l’ancien régime eût répondu le contraire.

Le sort des nouveaux évêques est fort différent selon les lieux et les circonstances. Le frère du second Consul a été reçu magnifiquement dans la métropole de la Normandie. À Tours, au contraire, le préfet Pommereul a envoyé des maçons à l’archevêché, mais pour le rendre inhabitable en abattant des murs de refend et en pratiquant d’autres réparations révolutionnaires. Les populations ne s’accordent pas mieux que les préfets dans l’accueil qu’elles font à leurs évêques. Les constitutionnels surtout sont en général assez mal reçus et leur nomination a déjà produit quelques troubles en Languedoc et ailleurs.

Voici une anecdote qui a couru avant la publication du Concordat. Bonaparte discutait cette matière avec quelques personnes au nombre desquelles était Volney. Celui-ci, fidèle à ses principes, continuait à s’opposer à cette restauration religieuse. Le Premier Consul, voulant couper court à ses objections, déclara que les sept huitièmes de la France étaient catholiques et qu’il devait plutôt consulter l’opinion du peuple que celle des athées de Paris. « Si c’est l’opinion du peuple que vous voulez consulter, répondit Volney, je dois vous observer, général, que les sept huitièmes de la France demandent aussi le rappel des Bourbons. » Bonaparte n’ayant rien à répliquer à cet argument se vit réduit à communiquer le Saint-Esprit à cet incrédule par une imposition des mains, mais qui ressembla beaucoup plus à celle des crocheteurs qu’à celle des apôtres.

Le Théâtre-Français vient de faire une grande perte. On assure que Molé ne jouera plus. Cet acteur, après la représentation donnée à son profit et qui rapporta trente mille livres, se rendit à la campagne, pour se distraire avec deux jeunes beautés. À son âge de soixante-huit ans, il avait besoin de quelques excitans pour pouvoir profiter de ce genre de distraction. Il en usa et en abusa si bien qu’il est tombé, dit-on, dans un état de faiblesse et d’imbécillité voisine de l’enfance. Ses amis prétendent qu’il se remettra et que nous pourrons admirer encore son talent. Mais son médecin dit le contraire, et cette autorité est malheureusement prépondérante dans ce cas. Quelle fin pour un acteur comique