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Or, ici, la religion eu elle-même a plus perdu que gagné. N’étant plus persécutée, elle est moins intéressante, et le seul avantage que le Concordat ait procuré à Bonaparte est qu’il sera moins facile aux partisans du trône de lier leur cause à celle de la religion. C’est encore que certains journalistes n’auront plus aussi beau jeu à déclamer contre la philosophie et contre la révolution. Le plus singulier, c’est que le Premier Consul n’a pas l’air de sentir ni d’apprécier ces avantages. Il cherche, pour ainsi dire, à s’en priver, en déchaînant les journaux philosophiques contre ceux du parti religieux, comme s’il craignait déjà les résultats de cette tolérance qu’il vient à peine d’introduire. Depuis quelque temps, le Citoyen français et le Journal des défenseurs prennent à tâche de tourner en ridicule le Journal des Débats et de réfuter tout ce qu’il avance. On donne les plus grands éloges aux réformes de l’Electeur de Bavière et l’on avilit autant qu’on peut le roi d’Etrurie, depuis qu’il s’est montré catholique zélé. Quelques personnes en augurent que le trône de ce nouveau monarque n’est pas trop bien affermi et que la Toscane pourrait bien devenir à son tour la grande pensée de notre grand homme.

Il est sûr que Bonaparte ne se cache pas du mépris que lui inspire la conduite du roi qu’il a créé. Le jeune prince a eu la bonhomie de lui envoyer ses observations sur le Concordat. Bonaparte, après les avoir lues, les a renvoyées aux Archives, avec cette apostille : Bon à conserver, comme un monument de la bêtise des rois lorsqu’ils se livrent aux prêtres. Je doute cependant qu’il partage l’opinion de ceux qui voient dans le Concordat toscan, si différent du Concordat consulaire, une protestation du pape contre celui-ci. Ils veulent que Sa Sainteté, en signant son traité avec le roi d’Etrurie, ait prétendu dire : Voilà ce que j’aurais fait en France, si on ne m’avait pas forcé la main.

Les nouveaux chanoines de l’Eglise de Paris sont déjà en fonctions et célèbrent l’office à Notre-Dame. Il est à remarquer que les dais, les échafauds, l’autel provisoire, qui avaient été placés dans ce temple pour la cérémonie du jour de Pâques, y figurent encore. Comme cela gêne beaucoup le service ordinaire, un chanoine écrivit au gouvernement, au nom de l’archevêque, pour obtenir la permission de débarrasser l’église de ces constructions provisoires. La permission a été refusée. On ajoute même que le prétexte de ce refus a été qu’on aurait encore besoin des constructions en question. Ce propos, bien qu’il ne soit pas certain,