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fait-on alors? On envoie le second Consul à la messe, et le remède est pire que le mal.

Et comment encore se comportent, dans les grandes solennités, ces prétendus restaurateurs du culte? En voici un exemple assez curieux.

Le jour même de la restauration, le jour de Pâques, Charles Portalis, fils du ministre des Cultes, se trouva à la porte de Notre-Dame, avec sa mère et d’autres femmes, et quoiqu’ils fussent munis des billets nécessaires, la garde, par un malentendu qui ne fut pas le seul de cette journée, refusa de les laisser entrer. Le refus était injuste et désagréable. Mais que fit Charles Portalis? Il envoya un de ses amis qui se trouvait à sa portée demander de sa part le nouvel évêque d’Orléans. En effet, un moment après, l’abbé Bernier arriva, revêtu de ses habits pontificaux qui ne le préservèrent pas de la scène la plus indécente. Sans respect pour le lieu, pour la circonstance, pour les assistans, Charles Portalis accable Bernier de reproches sur la négligence avec laquelle les ordres ont été donnés, lui enjoint de faire entrer aussitôt lui, sa mère et les autres de sa société et lui demande à quoi il est bon, si ce n’est à faire placer d’aussi illustres personnages. Le pauvre abbé, nouvel évêque, cède à l’orage, incline sa belle mitre neuve et introduit le fils et l’épouse du ministre de tous les cultes. Il eut le lendemain la consolation de voir arriver chez lui le malencontreux aide de camp de Charles Portalis, qui vint lui demander pardon de l’indécente commission qu’il avait acceptée.

Au reste, ce que nous avons dit du peuple de Paris ne convient pas, sans restriction, à celui des provinces, et encore moins aux paysans. Il paraît que ces derniers jouissent en général des effets du Concordat de la meilleure foi possible et en rendent grâce au Premier Consul. On dit pourtant qu’en Bretagne, les nouveaux prélats risquent d’être mal reçus; deux d’entre eux ont déjà refusé le siège de Quimper où deux évêques constitutionnels ont péri de la main des chouans. On dit qu’en Belgique au contraire, la satisfaction du peuple est générale, et qu’à Malines, on s’est cotisé pour faire soixante mille livres de rente au nouvel archevêque, ci-devant évêque de Senlis. Mais ces exemples particuliers ne prêtent pas à des considérations aussi importantes que l’opinion de Paris qui en impose depuis longtemps à la France entière et qui, seule aujourd’hui, pourrait avoir des effets politiques.