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ni dans les autres papiers du Roi. Les archives nationales ne nous fournissent non plus aucun renseignement sur ce point. On n’a même pas la ressource de chercher des indications dans des comparaisons d’écriture, car les originaux sont perdus ou détruits, et il ne subsiste que deux copies des documens, la copie des Affaires étrangères et celle sur laquelle ont été pris les extraits qui suivent, toutes deux parfaitement identiques du reste et vraisemblablement transcrites l’une et l’autre dans la Maison du Roi. On en est donc réduit aux conjectures. La supposition la plus plausible est que les lettres émanent, au moins en grande partie, des membres du comité royaliste de Paris. C’étaient à cette époque MM. Royer-Collard, l’abbé de Montesquiou, le comte de Clermont-Gallerande et Becquey. Le style et les idées des premiers et des plus connus de ces personnages se retrouvent dans nombre des correspondances. Ministre des Affaires étrangères à plusieurs reprises, M. Thiers a pris connaissance des documens en question dans les archives du département. Il en a tiré grand parti dans son histoire du Consulat. Voici comment il s’exprime à ce sujet :

« Ce n’est pas de fantaisie que je peins les émigrés de ce temps, dit-il en racontant l’année 1802. Le langage que je leur prête est extrait littéralement des volumineuses correspondances adressées à Louis XVIII et rapportées par ce prince en France. Laissées pendant les Cent-Jours aux Tuileries, déposées depuis aux Affaires étrangères, elles contiennent le singulier témoignage des illusions et des passions de cette époque. Quelques-unes sont fort spirituelles et toutes fort curieuses </ref> Le Consulat et l’Empire, t. II, p. 181. </ref>. »

Et plus loin : « Il existait à Paris des agens des princes déchus dont quelques-uns étaient gens d’esprit et quelquefois bien informés. Ces agens faisaient des rapports presque quotidiens dont j’ai parlé précédemment </ref> Ibid., t. III, p. 316. </ref>. »

M. Thiers a raison : les rapports dont il parle présentent un intérêt à la fois sérieux et piquant. Ils traitent tour à tour les différens sujets qui intéressent leur royal destinataire : les événemens politiques, l’état de l’opinion, les nouvelles académiques et littéraires, la chronique mondaine. Le Premier Consul y tient une large place. Napoléon n’a pas encore ceint la couronne, mais il règne déjà sous le titre de Premier Consul à vie. Il ne faut pas s’attendre à ce que ses actes soient appréciés toujours avec justice par les partisans les plus fervens du Prince qui revendique, par droit de naissance, la place que Bonaparte occupe par le droit du génie. Mais le lecteur avisé n’aura pas de peine à discerner la vérité historique, au milieu des exagérations peu dissimulées de l’esprit de parti. Il trouvera par surcroît, dans les lettres qu’il