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Orient qui est le pourvoyeur. Telle, par exemple, la correspondance parisienne insérée dans les journaux profanes, en avril 1895, à la suite de la fête gastronomique et scientifique offerte à M. Berthelot: on y célébrait la « concentration philosophique et républicaine opérée au banquet; » on y flétrissait « Basile, qui avait voulu frapper en bloc les adversaires de la conspiration cléricale dans la divinité moderne qui leur sert à tous d’idéal et de guide; » et l’on exaltait « le Socrate moderne, qui, courtoisement, avait jeté la ciguë à la face des dieux imprudens. » Le Collège des Rites, désireux de perpétuer ce commentaire, le réimprima dans la brochure, timbrée du Grand Orient, qui s’intitule Commémoration du banquet Berthelot.

Faut-il aussi faire remonter à ce mémorable événement l’idée plusieurs fois exposée dans les derniers convens, de la création d’une revue qui s’inspirerait des idées maçonniques, mais dont aucun signe, aucun titre, ne révélerait l’origine? MM. Maréchaux et Duvand soumirent ce vœu au convent de 1897[1], et la commission de propagande, en 1898, put annoncer qu’un frère « modeste et dévoué » préparait, tout à la fois, l’organisation d’un tel périodique et la réimpression des grands penseurs du XVIIIe siècle[2]. Il y a beaucoup d’anonymat dans l’activité littéraire de la maçonnerie, comme il y a beaucoup d’occultisme dans son activité politique : dans le domaine de la pensée, elle cherche à créer une atmosphère, comme dans le domaine de l’action elle cherche à créer des faits acquis; ici et là, elle aime mieux la besogne que le bruit, et les besognes autour desquelles elle fait du bruit ne sont jamais celles auxquelles elle attache le plus d’importance.

Secrète elle est, et secrète elle veut rester. Il ne dépend pas du Conseil de l’ordre, même, que le secret ne devienne plus rigoureux. En 1893, les journaux profanes avaient saisi certaines interviews maçonniques : une circulaire suprême du 25 février blâma leurs confidens et signala la discrétion comme la condition nécessaire du succès[3]. Le Conseil, en 1894, proposa la suppression du Bulletin et l’institution d’une correspondance fermée : le convent maintint le Bulletin[4], mais à partir d’août 1896, on lui

  1. C. R. G. O., 20-23 sept. 1897, p. 172 et 180.
  2. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 275.
  3. B. G. O., févr. 1893, p. 689-690.
  4. B. G. O., août-sept. 1894, p. 170-183 et 218-223. En 1893, on avait discuté s’il suffirait ou non, pour soustraire le Bulletin au dépôt légal, d’enlever le point de couture et la brochure. (B. G. O., août-sept. 1893, p. 549-550.)