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a des questions à côté ; il se présente des situations que vous ne pourriez trancher, et je vous demande de laisser de côté cette question importante qui, je le répète, a déjà fait l’objet des préoccupations du parti républicain qui l’a rejetée[1]. » M. Hubbard, en 1896, souhaitait que « l’armée des instituteurs, fidèle à la République, » fût protégée contre les « défaillances du gouvernement républicain[2]; » mais, loin de proposer à cette armée des protections universitaires, le Grand Orient aime mieux faire peser sur elle des protections politiques, dont en général il espère disposer à son gré. À l’heure où, partout dans l’État, le ressort de l’obéissance fléchit, la maçonnerie, avec un esprit de gouvernement qui l’a fait comparer au « club des Jacobins[3], » a l’insigne talent de fortifier ce ressort, de le durcir, et puis de le tendre, avec une indé viable rigidité.


VI

Il ne semble pas que les œuvres de propagande intellectuelle, concertées par la maçonnerie, soient à la hauteur de sa tactique politique : elles sont, tout à la fois, moins élégantes et plus saisissables. Chacun sait que la Ligue de l’Enseignement est « sortie des flancs de la maçonnerie, adulte et armée pour la lutte, comme la Minerve antique du cerveau de Jupiter[4] ; » et la victoire de cette Ligue sur « l’imposture et l’hypocrisie cléricales » serait plus aisée si cette filiation était demeurée plus secrète. Quant à la littérature de vulgarisation que le Grand Orient propage, elle se compose généralement de brochures véhémentes qui furent d’abord lues ou récitées dans les loges ; telle la conférence de M. Delpech sur Jeanne d’Arc, publiée avec cette épigraphe : « Evêque, je meurs par vous; » ou bien, si elle affecte une forme moins oratoire, elle étudie de préférence l’histoire des religions, afin de « mettre un terme au charlatanisme éhonté d’une caste qui n’a que trop abusé de la crédulité humaine[5]. »

  1. C. R. G. O.. 20-25 sept. 1897, p. 259.
  2. C. R. G. O., 21-26 sept. 1896, p. 121.
  3. L’expression est de M. Paul Nourrisson, dont les travaux sur cette question comptent parmi les plus sûrement informés. (Voir spécialement le Correspondant du 10 mars 1899.)
  4. Salva, L’État et l’Église, conférence, p. 2, Rouen, 1892. — Voir, dans la Revue du 15 février 1899 : L’instituteur primaire et l’enseignement de la morale.
  5. Dobrski, L’Éducation des masses, conférence au Libre examen, p. 28. Paris, Renaudie, 1897.