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est le pouvoir exécutif. Il semblerait donc, de prime abord, que toute autorité appartient aux loges, puisque, directement ou indirectement, ces deux pouvoirs sont leur émanation.

Mais que vaut, en fait, ce parlementarisme maçonnique ? M. le colonel Sever le prend à peine au sérieux ; il demandait, en 1890 et 1897, que le Conseil de l’ordre eût auprès de lui, toute l’année, des délégués permanens des loges ; et plusieurs orateurs insinuèrent avec lui que ce conseil souverain avait ses coudées trop franches. Les délégués, à chaque mois de septembre, votent un budget de 101 000 à 103 000 francs ; là-dessus, plus de 74 000 francs sont fournis par les loges, qui donnent au Grand Orient, à peu près, le sixième de leurs recettes[1]. Or 7 300 francs seulement, sur les recettes du Grand Orient, sont affectés aux dépenses philanthropiques ; l’orphelinat maçonnique ne vit qu’en réclamant de l’État, du Conseil général de la Seine et de la Ville de Paris 34 000 francs de subvention[2]. D’autre part, si l’on laisse de côté les 14 000 francs consacrés au loyer du Grand Orient, nous rencontrons des dépenses de personnel, de bureaucratie, d’imprimés, d’affranchissemens, d’indemnités de voyage, bref d’organisation et de propagande maçonnique, qui s’élèvent à environ 67 000 francs. Or ces dépenses, de près ou de loin, touchent à la politique ; et tandis que les pouvoirs publics viennent en aide à la charité maçonnique, les ressources personnelles de la maçonnerie lui servent surtout à s’ériger elle-même en pouvoir public.

Vous êtes membre d’une loge et vous avez, pour votre part, contribué à procurer ces ressources au Grand Orient : il ne vous rend, de l’emploi qu’il en fait, que des comptes fort incomplets ; et volontiers dirions-nous qu’il y a un certain secret maçonnique que la maçonnerie suprême observe, tout d’abord, à l’endroit de la masse corvéable des maçons. En 1895, le rapport de la commission de propagande, présenté par M. Emile Lemaître, conseiller général du Pas-de-Calais, n’est point publié : la foule des contribuables en est sevrée[3]. En 1890, le compte rendu du convent constate simplement que l’Assemblée s’est constituée en comité secret pour entendre le rapport sur la propagande[4]. En 1898, le rapport de M. Massé est émaillé de points, qui indiquent des

  1. Voir B. G. O., novembre-décembre 1885, p. 561.
  2. B. G. O., août-sept. 1894, p. 274-278.
  3. B. G. O., août-sept. 1895, p. 279.
  4. C. R. G. O., 21-26 sept. 1896, p. 305.