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elles, et parfois pour les trois, qu’on allait heurter à la porte des loges, jusqu’à ces dernières années. Le rapport de M. Massé au convent de 1898 donne lieu de croire que, dans peu de temps, une nouvelle clientèle affluera. La magistrature, la jeunesse des écoles, à plus forte raison l’armée, inspirent peu de confiance au député de la Nièvre; c’est sur la « masse du prolétariat » qu’il compte pour défendre le République de concert avec la maçonnerie ([1], et pourquoi cette action parallèle ne deviendrait-elle pas une fusion? L’idée n’est pas neuve; mais la maçonnerie n’y accède qu’avec lenteur. Il n’est pas de loge, si modeste soit-elle, qui ne réclame 100 francs, payables immédiatement, de celui qui veut devenir maître en maçonnerie ; et les tarifs, en général, sont beaucoup plus élevés. En fait, donc, la classe ouvrière est à peu près proscrite. C’est pourquoi M. Amiable, dès 1893, demandait que, pour les ouvriers, les taxes fussent réduites de moitié, comme c’est le cas pour les fils de maçons et pour les instituteurs[2]. Le convent se montra froid; et la maçonnerie, deux ans durant, eut auprès des socialistes parisiens l’ingrate réputation d’un club bourgeois. Elle répara ce désagrément en élisant, en 1895, M. Lucipia, et en ouvrant ses loges parisiennes, toutes grandes, aux conférences socialistes de MM. Fournière, Sembat, Viviani, Groussier, Chauvière, tous maçons. Secondée par ces nouveaux auxiliaires, la maçonnerie, présentement, guette la classe ouvrière. « Il ne faut pas compter outre mesure sur la jeunesse bourgeoise[3], » déclare M. Duvand; et, du poids de son expérience, il encourage M. Massé, qui espère que les patronages laïques et les groupes Union et Compagnonnage, prenant les jeunes gens le dimanche et les jours de fête, pourront « développer en eux l’esprit maçonnique et assurer le recrutement des initiés dans un monde autre que celui où ils se sont recrutés jusqu’à ce jour[4]. » Déjà M. Maréchaux, en 1897, marquait la nécessité d’attirer à la maçonnerie les « compagnonnages » et les « groupes de libre pensée[5]. » Esprit hardi, parole franche, M. Foveau de Courmelle, au dernier convent, toucha de nouveau le nœud de la difficulté : « Il s’agit, dit-il, d’appeler les prolétaires. Le quatrième

  1. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 281-282.
  2. B. G. O., août-sept. 1893, p. 329-332. M. Amiable voyait dans cette proposition « une mesure de salut publie pour la maçonnerie. »
  3. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 291.
  4. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 278.
  5. C. R. G. O., 20-24 sept. 1897, p. 171.