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d’ordre reste éternellement le même : le cléricalisme, voilà l’ennemi[1] ! » Lorsque Gambetta forgeait cette devise de circonstance, il eût été fort surpris si on lui eût révélé qu’il travaillait pour l’éternité ; il avait d’ailleurs un sens trop délicat des vicissitudes historiques pour accepter une pareille prévision.

Mais le «cléricalisme maçonnique, » pour reprendre l’expression piquante de M. Lenervien[2], a l’immutabilité d’une Église; avec une sûreté toute dogmatique, il enseigne l’évolution future, comme les confessions chrétiennes enseignent les fins dernières ; et la politique se doit assouplir à son dogme, dont le premier article est la négation de l’idée religieuse. La maçonnerie sait, aussi, que la continuité des maximes devient une force inusable, lorsqu’elle a pour auxiliaire, au fond des âmes, la continuité des passions; et qu’importe que les intelligences s’ennuient du mot d’ordre maçonnique, si les passions, incessamment, lui renouvellent leur adhésion?


IV

Vénérables et surveillans, experts et tuileurs, maîtres et com- pagnons, frères de tout grade s’échelonnant sur les trente-trois degrés symboliques, ils sont en tout, dans l’armée du Grand Orient, 17 000 environ[3]. Joignez-y, peut-être, 7 000 maçons des autres rites. Cette armée comptait, en 1898, 364 cantonnemens, dont 286 étaient directement rattachés au Grand Orient, et dont 78 relevaient immédiatement de la maçonnerie « écossaise[4] ; » on les désigne sous le nom de loges ou d’ateliers ; ce sont les points d’occupation du territoire, les points d’attache de l’action. Inclinons-nous vers la petite ville, devancière du progrès national, boulevard de la civilisation moderne, où travaille une loge. Voici quelques sectaires : leur place y est marquée, depuis qu’en 1891, pour faire voter le vœu Pochon par le convent, un orateur s’écria : « Nous, francs-maçons, sommes-nous des libertaires? Non, nous sommes des sectaires, mais des sectaires qui veulent avant tout le salut de la République . » Voici des électeurs qui aiment à

  1. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898, p. 292.
  2. Le cléricalisme maçonnique : Paris, Perrin : aussi intéressant que « documenté. » C. R. G. O., 19-24 sept. 1898. p. 107.
  3. C. R. G. O., mars-juillet 1894, p. 11.
  4. B. G. O., août-sept. 1891, p. 433. C’est en 1890 que les loges de Moulins et Millau lancent l’idée du vœu Pochon. (R. G. O., déc. 1890, p. 727 et 728.)