Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 153.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éducatrice attitrée de presque tous les hommes du parti républicain, elle traite ce parti comme une chose qui lui appartient, et c’est un droit de propriété dont elle est si convaincue qu’elle demeure sans inquiétude, quels que soient les hommes que ce parti pousse au pouvoir. D’ailleurs, la suspicion presque unanime où les catholiques tenaient la forme républicaine offrait à la franc-maçonnerie un prétexte plausible pour présenter ses doctrines antireligieuses comme étroitement connexes aux intérêts de la République. Mais, lorsque les instructions de Léon XIII et les déclarations de M. Spuller eurent troublé l’échiquier de la politique française, la maçonnerie crut sentir qu’une fraction du parti républicain lui échappait : de là, depuis cinq ans, le surcroit d’exigences qu’elle témoigne, les vœux spécialement vexatoires qu’elle multiplie, les sommations dont elle fatigue les ministères douteux, les audacieux complimens qu’elle assène aux ministères dociles.

« Il pourrait sembler à première vue, disait en 1894 l’orateur du convent, M. Gadaud, sénateur de la Dordogne, que la franc-maçonnerie, qui n’est autre chose que la République à couvert, comme la République elle-même n’est autre chose que la franc-maçonnerie à découvert, doive arrêter là son rôle politique, puisque la République est devenue un gouvernement acquis et définitif. Il n’en est rien. Plus que jamais le concours de la franc-maçonnerie est indispensable à la République. » Et M. Gadaud, qui peu de mois après devenait ministre, dénonçait en termes énergiques le péril du « ralliement » et l’artifice de l’« esprit nouveau[1]. « C’est pour fournir des munitions à la « bataille contre l’esprit nouveau[2] » que M. Dequaire, devenu depuis lors, par un choix étrange, inspecteur d’académie dans l’inflammable région des Cévennes, obtenait du convent le vote d’un impôt de capitation supplémentaire d’un franc par tête, exigible de tous les maçons. Il appela plus tard cette assemblée « le convent de l’organisation[3]; » l’œuvre de propagande était désormais créée.

Nécessité de refaire à l’image de l’unité maçonnique l’unité du parti républicain et d’emprunter à la doctrine maçonnique les idées directrices qui permettent de grouper pour une action commune les élémens du parti républicain : ainsi s’intitulait une

  1. B. G. O., août-sept. 1894, p. 389.
  2. B. G. O., août-sept. 1894, p, 372.
  3. C. R. G. O., 19-24 sept. 1898. p. 445.