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pieux exercices comme une dévotion d’enfant trouvèrent leur condamnation, et où ceux qui avoient appréhendé que son changement d’état ne lui fît changer de conduite trouvèrent de quoy calmer leurs craintes[1]. »

A la vérité, quelques traits de sa fougue native semblaient parfois revivre en lui. Ainsi Sourches nous raconte qu’un jour, se promenant à cheval aux environs de Versailles, accompagné de Denonville, son sous-gouverneur, de Lechelle, un de ses gentilshommes de la manche, d’un exempt et de quelques gardes du corps, fantaisie lui vint tout à coup de prendre le chemin de Paris. Il poussa au galop jusqu’à Sèvres ; là, s’animant de plus en plus, il dit à l’exempt de faire ranger les gardes du corps qui, le devançant, gênaient son allure ; puis il s’écria : « Qui m’aime me suive ! » et, piquant des deux, il mena la petite troupe d’un tel train que Denonville, Lechelle, l’exempt et tous les gardes, sauf un, ne purent le suivre et restèrent en route. Arrivé au Cours la Reine, il déclara qu’il n’y avait pas assez de monde pour s’amuser, tourna bride, et revint à Versailles de la même allure, n’ayant mis qu’une heure et demie à faire cette course désordonnée. Sourches enregistre sans mot dire cette innocente équipée, mais on sent qu’elle lui donne à penser[2].

A l’opposé, Dangeau rapporte dans son Journal certains traits de gravité, qu’il se garde bien de commenter, mais qui trahissent, jusque dans la manière dont le duc de Bourgogne prenait part aux divertissemens de la Cour, certains scrupules d’austérité naissante. C’est ainsi qu’après avoir constaté qu’à une comédie qui fut jouée un dimanche à Fontainebleau ni le duc de Bourgogne, ni la duchesse de Bourgogne n’avaient assisté, il ajoute ces simples mots : « Ils n’y vont guère les dimanches. » C’est tout, mais, pour Dangeau, c’est beaucoup. Il semble en effet donner à entendre par cette remarque que le jeune prince n’approuvait point ces comédies le dimanche, et qu’il marquait discrètement son blâme par son absence et par celle, peut-être pas tout à fait volontaire, de sa femme. Dans une autre circonstance, Dangeau fait encore observer qu’un soir d’appartement (comme on disait alors), où une table de lansquenet[3] était dressée dans le cabinet du

  1. Recueil des vertus, etc., p. 18.
  2. Sourches, t. VI, p. 29.
  3. La mode du lansquenet n’était que depuis peu de temps introduite à la Cour. « Autrefois, dit une note du Chansonnier (t. VII), ce jeu n’était que pour la canaille. »