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M. Dupuy, il n’est pas sûr qu’on s’en tienne là. Le Sénat, en effet, ne reprendra sa session que le 9 mai, et, en admettant que tout ait été préparé pendant les vacances pour lui permettre d’aborder le plus tôt possible la discussion restée en retard, encore faudra-t-il auparavant prendre le temps de distribuer le rapport et de le lire. Quelque discrète que soit la discussion, elle remplira plusieurs jours, et, comme le Sénat ne votera certainement pas le projet tel qu’il est sorti des mains de la Chambre, un nouveau débat aura lieu au Palais-Bourbon. Ce sera merveille si tout est terminé le 31 mai. Au point où nous en sommes, un douzième provisoire de plus ou de moins ne tire d’ailleurs pas à conséquence : ce qui est plus grave, c’est qu’une législature qui commence ainsi est tout entière compromise, et qu’avec la meilleure volonté du monde, il devient très difficile de réparer le temps perdu. Rien ne sert de courir, dit le fabuliste. Au reste, on n’a aucune raison de croire que la Chambre, après avoir perdu sa première année, ait véritablement le ferme propos de courir pour se rattraper : elle a déjà contracté de mauvaises habitudes, et, une fois ces habitudes prises, on ne s’en débarrasse pas aisément. Si le budget de 1899 n’est pas encore voté à la fin de mai, le budget de 1900 ne pourra être déposé que très tardivement sur le bureau des Chambres, et nous parierons ce qu’on voudra qu’il ne sera pas voté le 31 décembre prochain. Il faudra recourir une fois de plus aux douzièmes provisoires. Que deviendront dès lors les promesses faites par nos députés alors qu’ils étaient simples candidats ? Que deviendront les espérances que les dernières élections avaient fait naître ? On avait annoncé de nombreuses et de fécondes réformes. A parler franchement, nous n’y avons pas beaucoup cru, mais encore fallait-il voir. Le malheur est qu’à la manière dont on procède, le temps manquera complètement aux réformes. Comment en attendre de la part d’une Chambre qui n’a pas assez de douze mois de l’année pour voter le budget le plus ordinaire, le plus banal, le plus dénué de toute originalité ? Si encore, dans cette discussion inutilement prolongée, le budget des dépenses avait été réduit, l’économie réalisée serait une compensation, et le pays en saurait gré à ses représentans. Mais on parle toujours de réduire les dépenses, et elles croissent sans cesse. Tel qu’il est sorti de la discussion de la Chambre, le budget des dépenses est en augmentation de 6 millions sur celui de l’année dernière, et on ne s’en tiendra pas là. Beaucoup de dépenses ont été atténuées sur le papier, de manière à donner au budget un équilibre apparent, mais fictif : il faudra compter maintenant avait les crédits extraordinaires ou supplémentaires. Puissions-nous