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dévotion. Comme tous les princes, elle était obligée de communier en public cinq fois par an, et même, ajoute Saint-Simon, « elle n’auroit pas eu bonne grâce à ne pas communier plus souvent[1]. » Mais c’était tout ce qu’on lui demandait. Personne ne s’avisait de lui donner la notion du devoir ou le goût de l’occupation. Plaire au Roi et à Mme de Maintenon, tel devait sembler, à ses yeux, l’unique but de sa vie. Lui rendre cette vie aussi douce et agréable que possible, sans s’inquiéter de ce qui pouvait se passer dans son intelligence et dans son cœur, telle paraît avoir été l’unique pensée du Roi et de Mme de Maintenon. Faiblesse de vieillard chez l’un ; faiblesse aussi, mélangée peut-être d’un peu de calcul, chez l’autre ; c’est à tous deux leur touchante excuse. Mais, si, dans cette courte existence, le devoir tint si peu de place, si le caprice, la dissipation, la coquetterie y régnèrent trop souvent sans partage, la responsabilité en revient surtout à ceux qui dirigèrent ses jeunes années. Quoi qu’on en dise, l’éducation, lorsqu’elle est à la fois intelligente et forte, façonne les âmes, et grave en elles une empreinte ineffaçable. Bien autrement durable, on va le voir de nouveau, avait été celle que la main de Fénelon imprima sur la nature du duc de Bourgogne.


IV

Pendant que la duchesse de Bourgogne menait cette vie toute de loisirs et de divertissemens, il n’en allait pas de même du prince son jeune époux. Sauf les visites régulières qu’il avait permission de rendre à la princesse sa femme, et les fréquens soupers en tête à trois chez Mme de Maintenon, il n’y avait presque rien de changé à son existence extérieure. Par ordre du Roi, la somme qui lui était allouée pour ses menus plaisirs avait bien été portée de cinq cents à mille écus par mois, et, dans une lettre assez humble, il en témoignait sa reconnaissance à Mme de Maintenon, la priant d’être persuadée qu’il serait toujours très sensible à l’amitié qu’elle lui faisait paraître en toute occasion[2]. Mais, sans que l’emploi de ses heures demeurât aussi minutieusement réglé qu’au temps de son enfance, il continuait cependant, sous la surveillance de Beauvillier, à donner au travail la meilleure part de

  1. Saint-Simon, édit. Boislisle, t. XIII, p. 9.
  2. Lettres de Louis XIV à Mme de Maintenon, imprimées pour MM. les Bibliophiles français.