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fuite de Lavalette ? Que dit l’histoire ? C’est le dernier de nos soucis. Il nous suffit que Mme Réjane, dans le rôle de Mme de Lavalette, soit élégante et spirituelle comme toujours, que les costumes y soient curieux à inventorier, et la mise en scène du plus joli effet.

On assiste avec un plaisir égal et de même qualité au long spectacle qui se déroule à travers les sept tableaux de Plus que Reine. C’est l’histoire tout entière des rapports de Joséphine et de Napoléon que M. Bergerat a imaginé de nous conter. Pour commencer par le commencement, il remonte à la première entrevue, qui aurait eu lieu en l’an, IV et nous mène jusqu’au divorce. Il est vrai que le drame n’apparaît qu’aux derniers actes, et on s’en est plaint. On a eu tort : il serait plus juste de reconnaître que rien n’a été négligé pour nous faire prendre patience jusque-là. On nous mène au Palais-Royal, à l’hôtel de la rue Chantereine, à la Malmaison, aux Tuileries ; on nous présente Bonaparte, Talleyrand, Junot, Murat, Louis, Lucien et Lætitia, Élisa, Joséphine, Pauline, Caroline, bien d’autres encore. Les propos que tiennent ces personnes célèbres sont presque tous garantis authentiques. D’ailleurs, le dialogue, dans ces sortes de pièces, est généralement ce qui nous les gâte. Très heureusement, l’auteur a placé au centre même de son œuvre la cérémonie du sacre, reconstituée d’après le tableau de David. Les meilleurs tableaux historiques sont les tableaux muets.

Mme Jane Hading a obtenu un grand succès dans le rôle de Joséphine, où elle se montre fort séduisante. C’est un prodige d’être à la scène un Napoléon à peu près supportable. Il ne fallait pas moins que le talent de M. Coquelin pour réaliser ce prodige.


Il y aurait peu de choses à dire de la traduction d’Othello que M. Jean Aicard a fait représenter à la Comédie-Française. Les vers en sont médiocres et ternes. M. Mounet-Sully, le seul acteur aujourd’hui qui puisse tenir le rôle d’Othello, y a été inférieur à lui-même. Mlles Lara (Desdémone) et de Boncza (Emilia) méritent des éloges pour leur bonne volonté et leur bonne grâce.


RENE DOUMIC.