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l’impression qui s’accuse en maints endroits. Albert Donnat ne personnifie-t-il pas l’infatuation du savant, sûr de lui-même, et qui, du haut de certitudes problématiques, s’adjuge un droit souverain sur la vie humaine ? Cette jeune fille condamnée par la Faculté et qui s’avise de ressusciter, n’est-ce pas une âpre dérision de l’infaillibilité scientifique ? Cette psychologie qui peut-être arrivera à se constituer dans quatre cents ans, n’est-elle pas un symbole de l’impuissance de ces lointaines spéculations pour soulager nos souffrances immédiates ? Ou M. de Curel a-t-il voulu opposer la religion à la science et montrer la supériorité de la première ? Tel pourrait bien être le sens de sa conclusion, puisque nous voyons une pauvre fille, simplement inspirée par l’esprit de charité et formée par les enseignemens du catéchisme, s’élever sans effort aussi haut qu’un maître de la pensée. Ou encore M. de Curel a-t-il prétendu indiquer que la science, elle aussi, est une religion qui a ses fanatiques et ses martyrs ? Peut-être n’accepterait-il aucune de ces interprétations. Peut-être les accepterait-il toutes ensemble. Mais nous n’allons pas au théâtre pour déchiffrer des énigmes. Et, si l’impression que nous emportons est sans netteté, nous sommes bien trop vaniteux pour en accuser notre défaut de pénétration. Nous aimons mieux croire que l’œuvre n’était pas au point, que les matériaux, mal dégrossis, y ont été mal combinés, et que du chaos n’a pas jailli la lumière.

La Nouvelle Idole est bien jouée par M. Antoine, M. Gémier, et surtout Mlle Bellanger, exquise de charme et de sensibilité dans le rôle de la petite novice Antoinette.


Il faut louer sans réserve les spectacles charmans qu’on nous montre au Vaudeville et à la Porte-Saint-Martin, et qui sans doute ont déjà fait passer des heures délicieuses aux collégiens et à leurs familles durant ces maussades vacances de Pâques. L’auteur de Madame de Lavalette, M. Émile Moreau, fut l’un des collaborateurs de M. Sardou : on s’en aperçoit à son entente de la scène, à son goût du détail pittoresque et amusant. On passe en revue dans Madame de Lavalette les modes de 1815, costumes de ville, habits de cour, mobilier ; on y voit le vestibule de la chapelle des Tuileries, un cachot de la Conciergerie, une salle du ministère des Affaires étrangères, Louis XVIII avec le grand cordon du Saint-Esprit et des bas de goutteux, la duchesse d’Angoulême, Condé, Richelieu, des émigrés, un paysan breton, un magistrat en robe rouge. Le drame est savamment mené et les effets en sont ménagés avec art. Richelieu a-t-il, d’ailleurs, connu, ignoré, favorisé la