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appelait à la Hofburg le patriarche, et là, ne lui ménageait ni les honneurs, ni les promesses, ni même les générosités ; enfin Mgr Macaire revenait en Égypte, n’ayant pas eu à choisir ses amis, et résigné à cette chaîne d’or qui assurait son œuvre religieuse et sa dépendance politique.

Sans plus de droits, avec autant de succès, l’Autriche exerce le même privilège plus près, et sur des peuples d’Europe. La Bosnie et l’Herzégovine ont été confiées par le traité de Berlin à l’administration de l’Autriche, mais le Congrès n’a pas détruit la souveraineté de la Turquie sur ces provinces : il n’a donc pas détruit le protectorat de la France. Pourtant l’Autriche a aussitôt traité ces pays comme s’ils appartenaient à l’Empire ; elle en a écarté les missionnaires français, comme s’ils eussent usurpé l’administration de paroisses autrichiennes. Et comment eût-elle hésité à prétendre au protectorat sur ces régions ? Ne l’étend-elle pas à des pays sur lesquels le Congrès de Berlin ne lui a donné aucun pouvoir, à des pays sur lesquels il a expressément reconnu notre droit ? L’Albanie n’est autrichienne ni par la race, ni par la victoire, ni par aucun traité. C’est après la guerre de Crimée que, pour la première fois, les prêtres catholiques purent, en Albanie, paraître avec leur vêtement ecclésiastique, célébrer publiquement leur culte, et cette victoire fut remportée par la persévérance courageuse de nos consuls et de nos missionnaires. Pourtant l’Autriche, jusque dans ce pays, combat notre influence et y substitue la sienne. Commencé après la guerre de 1870, le travail est devenu plus hardi et rapide depuis 1880. Attentive aux détresses des ordres religieux et du clergé séculier, elle a l’art des dons utiles pour eux et pour elle. Elle subventionne le séminaire de Scutari, les écoles de la province ; depuis 1892, elle sert une pension à presque tous les prêtres du diocèse d’Uskub. Le traité de Berlin a consacré le protectorat de la France sur une tribu d’Albanie, les Mirdites, que rattachent à nous les souvenirs sept fois séculaires de notre empire latin ; jusque chez les Mirdites, l’Autriche agit comme si le traité était lettre morte, et, grâce à ses largesses et à notre silence, elle se glisse à notre place.

Cette mainmise sur les catholiques coptes et les contrées qui sont l’hinterland européen de l’Autriche n’épuise pas l’ambition de cette puissance. Dans toute la Turquie, surtout dans les ports et les îles de la Méditerranée, elle oppose son influence catholique