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clientèle, et assez loin pour se mettre hors de vue. C’est ainsi qu’elle a été chercher dans la vallée du haut Nil ses premiers protégés, les Coptes. Ces habitans primitifs de l’Egypte avaient presque tous adopté, au Ve siècle, l’hérésie d’Eutychès, et les Coptes catholiques, il y a quelques années, étaient à peine six mille. Leur catholicisme faisait d’eux les cliens naturels de la France. L’Autriche prétendit paître ce petit troupeau. Elle argua des droits que lui aurait laissés Venise : raison deux fois contestable. Car, en droit, on n’hérite pas de ceux qu’on assassine, et, parmi les soins qui occupèrent le génie colonisateur et mercantile de Venise, le moindre fut celui de semer le catholicisme dans les sables de la Haute-Egypte. Là encore, l’intérêt paraissait si minime, à nos hommes d’Etat philosophes, de disputer quelques sauterelles du désert, qu’ils ont laissé l’Autriche agir et rendre réels par ses services des titres jusque-là chimériques. Depuis vingt ans, la fondation de paroisses et d’écoles, la formation d’un clergé moral et instruit ; depuis quatre ans, le rétablissement du patriarcat copte et d’évêchés coptes ont déterminé une renaissance imprévue du catholicisme. Elle a porté à vingt-cinq mille le nombre des Coptes réconciliés avec Rome, et elle semble l’origine d’un mouvement durable et fort vers l’unité. Mais, bien qu’il soit dû pour la plus grande part aux efforts de nos missionnaires français, bien que les prêtres, les évêques, le patriarche copte aient été, au Caire ou à Beyrouth, formés par les Jésuites français, c’est pour l’Autriche que mûrit, sur un sol fécondé par nous, la moisson des influences. En 1895, l’occasion s’est offerte pour notre gouvernement de reprendre son rôle auprès de cette Eglise croissante. Le nouveau patriarche, Mgr Macaire, se rendait à Rome, soucieux d’obtenir des secours nécessaires à sa nation, indépendant de tout lien envers l’Autriche, porté par son éducation à la sympathie pour la France. C’était affaire à notre ambassadeur auprès du Saint-Siège d’accueillir le voyageur, de lui persuader que l’amitié française était la plus utile aux Coptes, et d’obtenir que le Vatican ratifiât l’entente ainsi établie entre le protecteur et le protégé. Mgr Macaire, durant tout son séjour, fut ignoré de notre diplomatie. En revanche, dès son débarquement sur le sol italien, l’Autriche l’attendait, lui donnait la compagnie de personnages influens et empressés, lui faisait respirer dès Rome l’atmosphère de Vienne ; après avoir obtenu l’acquiescement du Saint-Siège à un protectorat que la France ne combattait pas, elle