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et noué leur coalition au nom d’une idée spécieuse et par l’autorité de l’exemple.

Le premier acte où cette prétention ait été officiellement formulée date de 1875. Une réforme judiciaire, préparée en Égypte, remplaçait les magistratures consulaires par des tribunaux où devaient siéger des juges fournis par l’Europe à côté de juges égyptiens ; elle ne pouvait être tentée sans l’aveu de l’Europe. La France, dans le consentement qu’elle donna, le 10 novembre 1874, avait exclu de la juridiction nouvelle les établissemens catholiques, religieux ou d’enseignement, et réservé sur eux notre ancien protectorat. Quand l’Allemagne donna à son tour son adhésion, elle ne voulut pas sanctionner par son silence les prérogatives rappelées par nous, et son Consul général inscrivit, dans l’acte diplomatique du 5 mai 1875, la déclaration suivante : « Le gouvernement allemand, ne reconnaissant à aucune puissance un protectorat exclusif sur les établissemens catholiques en Orient, se réserve tous ses droits sur les sujets ou administrés allemands appartenant à un de ces établissemens. »

L’occasion d’une riposte se présenta quand se réunit le Congrès de Berlin. L’abstention de la France eût rendu plus précaire encore le fragile édifice de la paix ; on insistait pour que notre gouvernement fût présent. Il n’eût pas dépassé son droit, s’il eût mis cette condition que l’atteinte portée à son protectorat par un seul acte et par une seule puissance serait réparée par un vote du Congrès. Nos hommes d’État se contentèrent de demander que le Congrès s’occupât uniquement des questions soulevées par la guerre, et par suite s’abstînt de tout examen sur les affaires d’Égypte, de Syrie, et des Lieux saints. Cela était à coup sûr plus aisé à stipuler et fut promis. Mais, par cela même que nous posions ces limites à la compétence du Congrès, nous nous enlevions à nous-mêmes la chance d’obtenir, en réponse à la prétention allemande, une reconnaissance de notre protectorat. Le seul avantage de la réserve faite par nous était que du moins nous semblions nous être assurés contre toute confirmation par l’Europe de la thèse soutenue par l’Allemagne.

Qu’on juge si les engagemens pris furent tenus. Sur l’initiative de l’Angleterre, le Congrès est saisi du texte suivant : « Les ecclésiastiques, les pèlerins et les moines de toutes nationalités voyageant dans la Turquie d’Europe ou d’Asie jouiront des mêmes droits, avantages et privilèges. Le droit de protection officielle est