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ou que, demeurés sur leur terre natale, ils fussent façonnés par l’esprit égalitaire et légal des Américains, ils tombaient sous la dépendance intellectuelle de la race anglo-saxonne. Quand la Turquie à cette révolte d’idées répondit par des violences, l’intimité s’est faite plus étroite entre les Arméniens et leurs éducateurs politiques. Tandis que les autres puissances se taisaient, recommandaient aux victimes le silence, ou n’étaient libérales que d’argent, les Anglais, s’ils ne faisaient pas cesser les maux de l’Arménie, proclamaient du moins ses droits, l’Amérique demeurait, par ses consuls et ses missions, présente, consolatrice et tutélaire sur les champs de supplices. La gratitude de l’Arménie leur reste fidèle, et cette popularité des deux peuples attachés à la fois au gouvernement libre et à la Réforme travaille au profit du protestantisme. Comme il a été assez habile pour unir sa propagande religieuse au sentiment national, dans une contrée ou le patriotisme est la plus vive des passions publiques, nombre d’Arméniens ont accepté la foi de ceux qui les déclaraient dignes d’être un peuple. En moins d’un demi-siècle, quarante mille ont été de la sorte gagnés au protestantisme. C’est parmi les Arméniens que se recrutent la plupart des pasteurs indigènes qui soutiennent dans les diverses provinces d’Asie et d’Afrique la foi réformée. Cette race, la plus nombreuse de celles qui ne se rattachent pas aux grandes religions, offre au protestantisme oriental son principal point d’appui.


L’Égypte, dont l’histoire est une perpétuelle obéissance à toutes les dominations, semblait promettre à la propagande religieuse la plus facile conquête. La douceur molle du climat est entrée dans les âmes, et la nature a fait là les hommes à son image. C’est le seul pays où le musulman dédaigne les armes et sache sourire. Outre 100 000 orthodoxes, Arméniens et catholiques qui sont l’apport étranger ; 6 millions de musulmans et 500 000 Coptes forment la population du pays. Les Coptes prétendent descendre de la race originelle et en avoir conservé dans leur pureté le sang et la foi. Leur air de famille avec les statues de l’ancienne Égypte témoigne, comme leur culte, en faveur de leur prétention. Les Égyptiens professaient l’hérésie d’Eutychès, quand les Arabes les envahirent. Une partie du peuple accepta la religion du vainqueur et se mêla à lui ; c’est ce mélange qui a fourni la masse de la population actuelle. La minorité, fidèle à l’ancien culte, fut