vilèges. 300000 Maronites, groupés sous un gouverneur chrétien, forment une nation presque indépendante ; 100000 Druses, 80000 orthodoxes, même avec les Arméniens et les juifs, n’égalent pas cette masse. Là, les diversités de foi se confondent dans le culte commun de l’intelligence et de la richesse que l’intelligence produit. La fertilité du pays, le nombre des ports, l’importance des affaires qui retiennent dans les principales villes une colonie européenne, ont donné aux indigènes la vision multiple, et le goût croissant de la civilisation occidentale. A cette civilisation il leur fallait, pour améliorer leur sort, emprunter d’abord la science. Comme une vague formée sur nos côtes, et qui, à travers la Méditerranée, roulerait sa houle jusqu’aux plages de l’Asie, le mouvement commencé en France, après 1830, pour l’instruction du peuple avait atteint la Syrie, grâce à nos missions catholiques. Elles avaient, dans les centres importans, ouvert des écoles. Notre écriture, nos méthodes de calcul, le français et l’italien gratuitement enseignés, ouvraient aux pauvres les situations les plus lucratives de la domesticité et les postes secondaires du commerce, des banques, des agences maritimes, des consulats, de l’administration turque. Pour les riches, un collège avait été fondé par les jésuites, deux par les lazaristes. Non seulement les catholiques, mais les orthodoxes et les musulmans y envoyaient leurs fils : le goût pour l’instruction des enfans était plus fort que la haine pour la religion des maîtres. Ces maîtres, d’ailleurs, religieux et religieuses d’Europe, ne trouvaient ni ne cherchaient, pour les aider dans cet apostolat, la collaboration des indigènes. Ils se prodiguaient si bien que leur zèle multipliait leur action, mais, limitée par leur petit nombre, elle ne s’étendait guère au-delà du littoral, et atteignait à peine quelques milliers de Syriens.
Les pasteurs protestans, qui s’installèrent en Syrie au moment de cet effort, étaient encore bien moins nombreux que les missionnaires catholiques. Comme ils étaient mandataires de sectes rivales, leurs activités ne se complétaient pas, comme celles des catholiques : elles s’opposaient. Chacun d’eux, avec sa famille et ses habitudes de confort, coûtait plus en un mois qu’un moine ou un religieux en un an. S’ils se fussent bornés à nous imiter pour nous vaincre, ils étaient vaincus d’avance. Ils le virent à la stérilité de leurs premiers efforts. Pour réussir, il fallait innover. Les missionnaires américains s’en rendirent compte les premiers. L’idée simple et féconde leur vint de former, parmi les