Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et devrait éviter, ils supportent toutes les libertés prises par leur alliée, plutôt que de refroidir, par des réserves faites après coup sur des questions non prévues lors du pacte, une amitié précieuse et fragile ; ou enfin si, à l’heure de ce pacte, consciens du conflit ouvert entre l’hégémonie religieuse de la Russie et de la France, ils ont pensé que, dans tout traité, il fallait payer de certains abandons les avantages à acquérir, et, pour assurer l’inviolabilité de nos frontières, ont délibérément sacrifié à l’ambition orthodoxe de la Russie le protectorat catholique de la France. Les gens qui craignent d’être abandonnés prennent parfois les devans, et c’est l’habitude parmi les Orientaux. C’est pourquoi les écoles russes commencent à être fréquentées, malgré l’attachement de la population à ses anciens maîtres et à ses langues adoptives. Le prestige du peuple russe s’étend par cet enseignement ; la crainte même de la conquête russe accroît le succès de ces écoles, et nombre de Syriens, résignés ou non à cette domination qui se prédit inévitable, trouvent bon que leurs enfans apprennent la langue du futur maître. Les amis désintéressés de la France lui demeurent, mais ils ont l’air de couvrir une retraite et semblent plus fidèles par les souvenirs que par l’espoir. Si utile qu’ait pu être pour nous l’alliance russe dans le reste du monde, elle a amoindri le prestige de la France dans le Levant.


II

À ce conflit entre les Eglises romaine et grecque, le protestantisme est venu ajouter une rivalité plus récente, mais d’autant plus jalouse, comme sont les amours tardives.

Contrainte de lutter au XVIe siècle pour la vie, au XVIIe pour l’empire dans quelques États, affaiblie par le scepticisme, ou distraite par les guerres qui furent la jeunesse libertine et la fin tragique du XVIIIe siècle, la Réforme dura d’abord où elle était née, sans forces pour se répandre. Mais, quand 1815 rendit au monde une paix dont la Russie cul la gloire stérile, et dont les avantages solides furent pour l’Angleterre et la Prusse, l’hégémonie protestante commença. La Grande-Bretagne, invulnérable dans son île et présente par ses colonies dans toutes les régions du globe, voyait se prolonger autour d’elle l’immensité des mers, à la fois rempart et chemin. Cette race dont toutes les fiertés rendaient