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atmosphère mauvaise finit par s’en ressentir. Considérez la cheminée ou poêle mobile en marche : la portion de coke ou d’anthracite portée au rouge vif dans le bas, à la température de 800 ou 1 000 degrés centigrades, est surmontée d’une masse dont la couleur, de plus en plus sombre, va décroissant jusqu’au noir. L’air entre par le cendrier et, se combinant avec le charbon auquel il cède son oxygène, forme de l’acide carbonique. Celui-ci s’élève à travers les couches supérieures du combustible, dont la chaleur est suffisante pour le décomposer au passage en un volume double d’oxyde de carbone.

Quelque hermétique que soit le mode de fermeture de la trémie, il n’est pas possible actuellement d’empêcher ce gaz délétère de se répandre dans la pièce, sous l’influence de certaines variations du temps. L’oxyde de carbone, introduit par la respiration dans les artères, tue les globules du sang. Nous avons dans les veines des milliards de globules ; il en faut 500 000 vivans par millimètre cube de sang, sous peine d’asphyxie. Or les globules, à leur arrivée dans les poumons, semblables à des ivrognes qui absorbent un peu d’alcool plus volontiers que beaucoup d’eau, préfèrent, par un instinct vicieux, à l’oxygène vivifiant, le mortel oxyde de carbone. Si peu qu’il y en ait dans l’appartement, ils s’en emparent, repartent empoisonnés dans le système circulatoire et meurent. Les globules tués s’évacuent dans le foie et surtout dans la rate ; mais, si leur nombre est trop grand, si le sang ne contient plus assez d’oxygène pour en fournir à l’ensemble de l’organisme, c’est l’individu lui-même qui succombe.

Dans les cheminées l’oxyde de carbone est chassé par le tirage, dans les poêles ordinaires il est brûlé ; ce gaz est un précieux calorique que les usines métallurgiques captent à la sortie des hauts fourneaux pour alimenter leurs souffleries[1]. Les poêles à combustion lente le font, eux, aspirer par leurs cliens, auxquels on ne saurait trop déconseiller cette ingestion malsaine. Le bon marché même de cette forme de chauffage n’est point pour rivaliser avec celle à qui, seule, l’avenir appartient. Depuis le premier calorifère à air chaud, construit en 1792 à l’hôpital de Derby, en Angleterre, jusqu’aux types à vapeur dont les Etats-Unis nous offrent les applications les plus perfectionnées, on est parvenu à recueillir, sans danger pour l’hygiène, 90 pour 100 de

  1. Voyez, dans la Revue du 15 mars 1895, l’Industrie du Fer.