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la clientèle du charbon de bois, dont l’emploi, déjà réduit de moitié depuis vingt-cinq ans, — de 3 hectolitres à 1 et demi par tête, — finira par se restreindre à la chaufferette de l’ouvrière, à la rôtissoire du gourmet et au réchaud du désespéré qui s’offre le suprême boisseau de l’asphyxie.

Les désespérés, pour le moment, ce sont ceux qui produisaient le charbon de bois et qui, intéressés à le défendre puisqu’ils en vivent, font valoir sa puissance calorique presque égale, disent-ils, à celle de la houille. Ils oublient d’ajouter que celle-ci coûte quatre fois moins que celui-là pour un même nombre de « calories. » La « calorie » est l’étalon qui sert à mesurer la valeur respective des combustibles : c’est la quantité de chaleur nécessaire pour élever d’un degré centigrade la température d’un litre d’eau. Or, les matières que nous employons à nous chauffer, — bois, charbon, gaz, etc., — décomposées chimiquement par la science, se trouvent contenir certains élémens dont les uns ne chauffent pas du tout, tels que l’oxygène, l’azote, les cendres, et dont les autres, tels que l’eau, s’opposent à la production de la chaleur. Cent kilos de bois vert renferment une proportion d’eau « d’inhibition » d’environ moitié de leur poids, qui varie selon les essences et les saisons ; — le pin des forêts est le plus humide, le frêne est le plus sec et tous deux sont beaucoup plus mouillés au commencement d’avril qu’à la fin de janvier. — Après un an de coupe une partie de ce liquide s’est évaporé ; mais, lors même qu’on l’eût fait totalement disparaître, le « ligneux, » c’est-à-dire le bois desséché dans une étuve brûlante, ne représenterait encore que 51 pour 100 de combustible utile, — carbone et hydrogène, — uni à 2 pour 100 de cendres et à 47 pour 100 d’ « eau de constitution. » De sorte que la bûche, dans l’état où elle est d’ordinaire posée sur nos chenets, médiocrement imbibée, est un mélange de deux tiers d’eau et d’un tiers de carbone, duquel nous ne profitons pas même intégralement, parce qu’il perd une partie de sa force à vaporiser l’eau dont il lui faut se débarrasser.

La transformation du bois en charbon élimine cette substance aqueuse. Au cours de la métamorphose, le poids du premier diminue : des quatre cinquièmes, si la carbonisation se fait suivant l’ancienne méthode, en « meules » de plein air ; des deux tiers seulement, si l’on applique le procédé nouveau des fours ou des fosses en maçonnerie. Dans tous les cas, la chaleur fournie par le charbon de bois étant à peine le triple de celle des bûches, —