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fer, enlevés au fur et à mesure du remblayage, peuvent resservir plus loin, tandis que les perches de bois sont abandonnées. Mais les mouvemens de l’industrie sont si brusques à notre époque, il apparaît si souvent des besoins nouveaux, que les détenteurs du sol forestier n’ont pas trop à s’inquiéter du parti qu’ils en pourront tirer dans l’avenir.

Ce qui les chagrine, ceux d’âge mûr du moins, aux heures mélancoliques où les revenus du temps passé leur remontent à la mémoire, c’est que le prix des bois a depuis vingt ans, malgré le développement de la consommation, baissé de 25 à 35 pour 100, suivant qu’ils sont destinés au chauffage ou à la menuiserie. Phénomène au demeurant très explicable : motivé, pour les uns, par l’abondance de la houille, pour les autres par la révolution des moyens de transport.

Il a toujours existé aux siècles anciens une grande disproportion de valeur entre les bûches, prises au lieu de naissance, et les mêmes bûches prêtes à flamber, livrées aux citoyens des villes : aux XIVe et XVe siècles, lorsque les mille kilos de bois à brûler se vendaient en moyenne 5 francs à Paris, on les payait tantôt 2 fr. 50 à Rouen ou 1 fr. 50 à Dijon, tantôt 95 centimes à Moulins et 45 centimes à Perpignan ; différences qui tenaient sans doute au degré de façonnage. Suivant que les arbres étaient encore debout ou déjà mis en corde, le prix grossissait, comme aujourd’hui, à chaque étape qui séparait la cognée du bûcheron des landiers du bourgeois.

Aux temps modernes, les cours demeurèrent très variables d’un point à un autre du territoire : en Limousin ou en Bourgogne, en Basse-Normandie ou en Auvergne, selon qu’il s’agit de châtaignier, de chêne ou même de noyer, il existait sous Louis XIV des combustibles de 1 à 2 francs les mille kilos ; tandis qu’à Paris, les chiffres oscillaient de 24 francs, pour le meilleur « bois de moule, » jusqu’à 15 francs pour le bois flotté le plus commun. Sans ce dernier, la population grandissante de la capitale eût souffert d’une vraie disette ; aussi le flottage et les trains de bois, inaugurés au XVIe siècle (1565), et regardés alors comme une découverte « capable de faire beaucoup valoir les héritages plantés en futaie, » furent-ils l’objet de toute la sollicitude des pouvoirs publics. Les ordonnances, pour rendre l’exploitation plus aisée, permirent aux marchands de faire passer leurs charrettes, jusqu’aux cours d’eau navigables, même à travers les terres nobles.