Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/814

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perpétuel, » — suivant une locution vide de sens, puisque, s’il est « perpétuel, » ce n’est plus un « printemps, » — les contrées qui ne souffrent pas des variations de température ignorent les jouissances périodiques des premiers soleils d’avril et des premiers feux d’octobre ; et, s’il est vrai que l’air ambiant a quelque influence sur le caractère, cette alternative de saisons suffisamment nuancées donne au génie français le tact, la variété et ondoyance qu’on ne retrouve pas au même degré chez d’autres nations.


I

Toute sensation (excessive dépasse l’homme et lui échappe, et nous ne sentons, comme a dit Pascal, ni l’extrême chaud, ni l’extrême froid ; mais une excitation moyenne et répétée développe au contraire la faculté sensitive. Quoique nous n’ayons, ou mieux parce que nous n’avons guère d’étés brûlans ni d’hivers très rudes, notre épiderme, fort éveillé, s’affecte facilement des hauts et des bas du thermomètre.

Les habitans du Midi ont souvent assez froid pour en souffrir, mais pas assez pour apprendre à faire du feu : aussi grelotte-t-on en janvier dans les maisons d’Italie, de Grèce, voire dans celles de la Haute-Egypte, sous le tropique, quand le ciel se couvre ou que le vent souffle du mauvais côté. Les gens du Nord, crainte de geler dans leurs logis, ont adopté un système qui les prive de la vue du feu pour les faire mieux jouir de sa chaleur. Les Français se chauffent par les yeux autant que par la peau, par plaisir autant que par nécessité ; aussi consomment-ils beaucoup de combustible, sans exiger beaucoup de calorique.

Notre pays dépense chaque année pour son chauffage près d’un milliard de francs, en matières solides, liquides ou gazeuses. Les premières sont de beaucoup les plus importantes : 540 millions de francs pour 18 millions de tonnes de houille à 30 francs ; 360 millions de francs pour 33 millions de stères de bois à 11 francs chaque. Le surplus consiste en pétrole, en alcool et en gaz, dont Paris seul, durant le jour, brûle environ 100 millions de mètres cubes. De sorte que, le total des budgets privés s’élevant à environ 20 milliards de francs par an, suivant les calculs les plus autorisés, les citoyens de notre république se trouvent consacrer près de 5 pour 100 de leurs recettes annuelles à ce chapitre du