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réponses ; on doit bien penser qu’elles furent, en tout, celles d’une bonne et sincère amie ; de plus, il n’est réellement intéressant, dans cette relation, que de faire mention de ce qui m’a été dit. Maingaud tient extrêmement à être connu d’une manière plus favorable ; c’est, je crois, un homme bon à gagner ; il désire avoir la mission d’Otto[1].

Je partis de Calais le mardi 9 juin, Maingaud m’ayant, sur toutes choses, recommandé d’aller chez Fouché en arrivant à Paris : je ne parlerai pas de tout ce que j’ai éprouvé en entrant dans cette ville ; mais il est certain que Mme de Richelieu m’a rendue réellement à la vie, en m’emmenant passer sept jours à Courteille. J’avais été trop troublée pendant les premiers jours de mon arrivée, et ensuite trop touchée des soins que je reçus de mon amie, qui était arrivée de Courteille en grande hâte, pour m’être ressouvenue de la recommandation de Maingaud : je partis donc pour Courteille, sans avoir paru à la police. Mon silence et mon changement de logement, qui avait eu lieu pendant le peu de jours que j’étais restée à Paris, firent croire que j’avais des raisons pour me cacher, et l’on fit beaucoup de perquisitions pour savoir ce que j’étais devenue. C’est ce que j’appris à mon retour ; mais, à peine arrivée à Paris, je formais déjà le projet d’en repartir. L’on m’assura que cela me serait impossible et que je ne pourrais en sortir sans avoir été en personne chez Fouché, surtout étant venue sous mon nom, et l’on ajouta que, son usage étant de faire attendre fort longtemps ses réponses, il était probable que je resterais encore sept ou huit jours à Paris, et peut-être plus, ce qui me contraria excessivement. J’écrivis donc sur-le-champ à Fouché, afin de hâter le plus possible le moment de mon départ, et contre son usage et au grand étonnement de toutes mes connaissances, il me répondit au bout de deux heures et me donna rendez-vous pour le surlendemain à deux heures.

J’y allai à l’heure indiquée ; je trouvai dans ses antichambres beaucoup d’hommes et de femmes qui attendaient depuis longtemps : on fit savoir à Fouché que j’étais là et il me fit entrer sur-le-champ, ce qui surprit beaucoup toutes les personnes qui étaient arrivées bien longtemps avant moi. Me voilà dans le cabinet de cet homme ; il me salua légèrement de la tête, et moi, pour ne pas lui laisser croire qu’il pût m’en imposer, j’allai me mettre dans

  1. Le comte Otto, dont parle ici la duchesse de Guiche, venait d’être envoyé à Londres, où il négocia, quelque temps après, les préliminaires de la paix d’Amiens.