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l’économie politique et disciplinera le socialisme. » La politique sera une application des lois sociologiques, et, renonçant de plus en plus au « gouvernement des hommes, » elle sera surtout « une administration des choses. » Ce sont toutes ces doctrines, trop longtemps négligées, qui s’efforcent aujourd’hui de se formuler et de se réaliser en France, de manière à introduire progressivement dans les rapports des hommes la raison et la justice. « Qu’on l’appelle science sociale ou autrement, a dit Dupont-White, qu’on lui conteste même le nom de science, toujours est-il que « la charité dans les lois » est une donnée qui, de nos jours, doit faire école, » et qu’il y a là « un cas de conscience publique. » Au lieu de la charité, disons : la justice dans les lois, la justice complète, telle qu’elle résulte de la solidarité qui lie tous les individus et en fait une société. Plus récemment, c’est dans le même sens et avec la même raison qu’un esprit généreux déclarait au Parlement français qu’il faut mettre dans les lois humaines « plus de fraternité et, pour tout dire d’un mot, plus de bonté ; » mais, ajouterons-nous, c’est à la condition de comprendre que l’objet même de la fraternité, quand elle s’exerce par la loi, ne doit être encore que la pure justice. Plus la civilisation se développe, plus les contrastes s’accentuent, plus les frottemens augmentent, plus les relations des personnes se compliquent, plus les réciprocités se manifestent, plus il est nécessaire que l’Etat, pour faire régner le droit, règle les rapports sociaux et intervienne comme tiers arbitre. L’« interventionnisme, » qui s’impose à toutes les nations et qui a toujours semblé juste à la nation française, sous la condition de n’avoir lui-même pour but que la justice, n’est ni l’économisme individualiste, ni le collectivisme socialiste ; et le nouveau progrès des doctrines, qui s’annonce de nos jours, consistera à bien marquer la différence.

Dans la première période de l’histoire, l’individu est entièrement absorbé en un groupe plus vaste, famille, tribu, société religieuse et politique. Toutes les traditions et mœurs le rendent absolument solidaire du passé, au moins « jusqu’à la cinquième génération. » A une seconde période de l’histoire, l’individu se détache et réclame son autonomie ; la société se pulvérise en quelque sorte, comme nous en voyons un exemple dans la démocratie américaine, où cette pulvérisation a pour contrepoids la concentration en monopoles. Une nouvelle période s’annonce qui rétablira une union plus étroite et une solidarité plus profonde