la France causerait à Rome le moindre déplaisir ? Les Anglais nous servent ici de répondans et de garans. Comment aurions-nous pu pressentir un désagrément quelconque pour les Italiens, là où les Anglais n’en voyaient pas ? Au reste, ils avaient raison de ne pas y en voir, et à la réflexion on le reconnaîtra à Rome. Nous ignorons les projets ultérieurs de l’Italie dans la Méditerranée ; mais, comme ils ne peuvent porter ni sur l’Egypte, ni sur la Tunisie, ni sur l’Algérie, ni sur le Maroc, à moins de faire pour les réaliser un effort très supérieur aux avantages qu’elle pourrait en recueillir, il faut bien croire que c’est à la Tripolitaine qu’elle songe éventuellement. Pour notre compte, nous n’y avons jamais songé, et nous y songeons aujourd’hui moins que jamais, car nous n’en avons aucun besoin. Notre arrangement avec l’Angleterre s’arrête à l’extrême sud de la Tripolitaine, qui n’en est pas même effleurée. Il est vrai que les journaux italiens qui, avec une grande modération dans la forme, nous le reconnaissons, avouent avoir éprouvé quelque déconvenue, parlent de l’hinterland de la Tripolitaine et retendent jusqu’au lac Tchad. Il est vrai aussi que les lignes de caravanes qui aboutissent à Tripoli par Ghât et Ghadamès suivent auparavant une ligne marquée par les oasis, et que ces oasis sont désormais reconnues par l’Angleterre comme faisant partie des territoires dans lesquels elle a renoncé à gêner notre action. Mais puisqu’on nous attribuait le Baghirmi, le Ouadaï, le Kanem, les provinces qui enveloppent le lac Tchad à l’Est et au Nord, et puisque, d’un autre côté, la vallée du Nil devenait pour nous une voie commerciale d’un accès difficile et d’une liberté douteuse, il fallait bien qu’on nous abandonnât les oasis qui servent d’étapes à travers le désert.
L’Italie peut être certaine que, toutes les fois qu’elle le voudra, elle trouvera en nous de bons voisins dans toutes les parties du monde, en Afrique comme ailleurs si l’occasion s’en présente ; mais nous ne pouvions évidemment pas sacrifier nos intérêts immédiats et urgens à ses vues d’avenir encore indéterminées, et dont elle ne nous a d’ailleurs pas fait part. En a-t-elle fait part à l’Angleterre ? Pas davantage sans doute, puisque celle-ci s’est sentie parfaitement libre de conclure avec nous, en ne consultant aussi que ses seuls intérêts. Nous avions bien le droit de consulter les nôtres pour conclure avec elle. La part des sacrifices à faire a été pour nous assez grande, et, à parler franchement, les compensations que nous avons obtenues sont modestes. Si nous nous montrons satisfaits, c’est parce que nous sommes très raisonnables, et que nous attachons un grand prix au rétablissement et au maintien de nos bons rapports avec tout le monde.