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respecterons tous les droits, ceux de l’Angleterre, car nous ne nions pas qu’elle n’ait pu acquérir des droits moraux, mais aussi les droits positifs que l’Egypte et la Porte ont conservés intacts pour le moins dans la Basse-Egypte, au nord du 159 parallèle.

Tel qu’il est, l’arrangement que nous venons de conclure ne peut porter ombrage à aucune puissance européenne : aussi a-t-il été accueilli presque partout avec satisfaction. Les rapports tendus qui existaient entre la France et l’Angleterre étaient pour tout le monde un sujet de préoccupation : désormais ils sont redevenus ce qu’ils auraient toujours dû être, et ce qu’il n’a pas dépendu de nous qu’ils n’aient toujours été. On nous a su gré de la prudence, de la patience même que nous avons montrée dans des momens pénibles, et finalement de la modération avec laquelle nous avons dénoué une crise qui a inquiété les intérêts de tous. L’Italie pourtant, quelle que soit la sympathie sincère qui préside aujourd’hui à nos relations mutuelles, a paru, si on s’en rapporte au langage de quelques-uns de ses journaux, éprouver à la lecture de notre arrangement une surprise qui n’était pas exempte de quelque déception. Pourquoi ? Nous aurions de la peine à le comprendre si on ne nous l’expliquait pas. L’Italie, non pas pour le présent, mais pour l’avenir, et un avenir peut-être encore lointain, a des ambitions méditerranéennes que nous trouvons de sa part toutes naturelles. Depuis que nous avons occupé la Tunisie, — parce que, en vérité, nous ne pouvions pas faire autrement, — satisfaits de notre lot dans l’Afrique septentrionale et n’ayant pas la moindre velléité de l’étendre, nous nous sommes fait une loi de ne contrarier sur aucun autre point la politique de l’Italie. On aurait grand tort d’en douter de l’autre côté des Alpes. Nous n’avons pas toujours été dans la confidence de nos voisins ; sinon, nous aurions peut-être pu, plus d’une fois, leur donner des avis utiles, et nous l’aurions fait avec un désintéressement et une loyauté absolus. Mais ce n’est pas à nous qu’ils les ont demandés. Lorsque nous avons assisté au développement de leur politique coloniale, nous n’avons eu pour eux que de bons sentimens. Hier encore, nous avons vu du meilleur œil leur entreprise en Chine, et ce n’est pas de notre part qu’ils ont rencontré le moindre obstacle. Si nous avions pu leur être utiles, nous aurions mis à l’être un amical empressement. Mais enfin, et malgré le très heureux rapprochement qui s’est accompli entre nous, l’Italie s’adresse de préférence à d’autres pour combiner ses vues politiques et pour en assurer le succès. Comment aurions-nous pu deviner qu’un arrangement que l’Angleterre croyait pouvoir faire avec