Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 152.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

solutions d’un grand nombre de substances devenaient isotoniques. On a constaté, par exemple, qu’il y a isotonie entre des solutions qui dans 10 litres contiennent 101 grammes de salpêtre, 513 grammes de sucre de cannes, 270 grammes de glucose, 139 grammes de glycérine, 225 grammes d’acide tartrique, 135 grammes d’acide oxalique. Ces nombres ; au premier abord, ne semblent avoir aucune signification. Ils en prennent une très décisive, aussitôt que l’on observe que ces chiffres représentent précisément les poids moléculaires de ces substances exprimés en grammes[1]. Ceci revient à dire que les solutions ont même pouvoir osmotique lorsqu’elles contiennent dans le même volume le même nombre de molécules ; les solutions équimoléculaires ont la même pression osmotique. Cet énoncé est vrai pour les substances organiques. Au contraire, il doit subir une correction dans le cas de la plupart des substances salines.

Il importe de s’arrêter, avant d’en venir aux exceptions et aux restrictions, sur cette loi remarquable qui fait dépendre la pression osmotique de la concentration moléculaire. Il faut en envisager brièvement la portée et les conséquences. On sent d’avance qu’elles doivent être considérables, au moins au point de vue théorique. Séparées de l’eau par une membrane semi-perméable (c’est-à-dire perméable à l’eau seulement), les solutions des substances organiques développent la même pression en grandeur si elles contiennent le même nombre de molécules de la matière organique par litre ; et, si elles en contiennent des nombres différens, la

  1. La molécule d’un corps simple ou composé est la plus petite partie de ce corps qui puisse exister à l’état libre, avec ses caractères et ses propriétés. La division poussée plus loin serait une décomposition chimique. On ne connaît pas en grammes et en centimètres cubes le poids absolu ni le volume absolu de ces particules dernières. Mais la chimie fait connaître leurs valeurs relatives. Elle choisit précisément les formules de manière qu’elles expriment pour chaque corps un poids qui, s’il n’est pas celui même de la molécule, lui est proportionnel. La formule fait donc connaître immédiatement le poids moléculaire relatif en grammes, si l’on se rappelle que les symboles H, C, 0 représentent des poids de 1 gramme, 12 grammes, 16 grammes. C’est ainsi que le sucre de cannes C12H12O11, a pour poids moléculaire 342 grammes ; le glucose C6H12O6, 180 grammes ; la glycérine C3H8O3, 92 grammes ; l’acide tartrique C4H5O6, 150 grammes ; l’acide oxalique C2H2O4 90 grammes. Ces poids, 342 grammes, 180 grammes, 92 grammes, etc., ne sont pas, naturellement, les poids d’une molécule de sucre, de glucose, de glycérine, comme on le dit cependant par abréviation : mais ils contiennent le même nombre de fois le poids véritable d’une molécule de ces substances ; ils sont les poids d’un même nombre de molécules : ils sont équimoléculaires. Des solutions de sucre, de glucose, de glycérine, d’acides tartrique et oxalique qui contiennent respectivement 342 grammes, 180 grammes, 92 grammes, 150 grammes, 90 grammes dans le même volume, dans 10 litres, par exemple, sont équimoléculaires.