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compléter son enquête. On souhaiterait d’abord que tous ceux qui ont conservé des fragmens autographes ou des copies de certaines parties des Mémoires ouvrissent largement leurs portes et leurs cartons au savant éditeur : je crois qu’ils sont par le monde plus nombreux qu’on ne pense. Faugère, — l’éditeur de Pascal, — avait plusieurs feuillets d’un manuscrit autographe des Mémoires exactement conforme, nous dit-on, à la copie partielle qui fut publiée en 1874. Je sais quelqu’un qui possède, en plusieurs gros volumes, une copie des derniers livres, œuvre probable d’un secrétaire, avec des corrections de la main même de Chateaubriand. Et il serait bien extraordinaire que la famille du grand écrivain n’eût pas gardé par devers elle une copie au moins d’une œuvre que son auteur avait vue avec tant de déplaisir tomber entre les mains du directeur de la Presse.

Mais nous n’en sommes pas réduits à compter uniquement sur la générosité accueillante et la confiance des particuliers. Nos bibliothèques publiques, elles aussi, peuvent fournir leur contribution de variantes, ou même de fragmens inédits. D’après le Catalogue général des Manuscrits des bibliothèques publiques de France, la Bibliothèque de Fougères posséderait un assez long fragment du livre II des Mémoires : on aimerait savoir si le texte en diffère de celui qu’a reproduit M. Biré. Enfin, et surtout, il existe à la Bibliothèque Nationale des fragmens manuscrits de Chateaubriand recueillis par un de ses secrétaires, Ed. L’Agneau, et cédés par lui, en 1846, à un certain Edouard Bricon. Celui-ci, se proposant sans doute de les publier, en avait fait une excellente copie, qui se trouve aujourd’hui également au département des manuscrits. Il y a un peu de tout dans ces fragmens : lettres adressées à l’auteur d’Atala, — il y en a une de Lamennais, une autre de Benjamin Constant ; — fragmens inemployés ou corrigés de ses divers ouvrages, — il y en a un de la Défense du Génie du Christianisme ; — mais ce sont surtout des rognures des Mémoires d’Outre-Tombe, et l’on pourrait, je crois, en extraire d’intéressantes, de curieuses variantes. Les fragmens de Chateaubriand ne paraissent pas en général écrits de sa main ; mais, au milieu du manuscrit, on a rassemblé quelques pages, — une espèce de confession amoureuse, — où il est facile de reconnaître sa grande écriture tourmentée et hautaine. Voici ce Discours sur les passions de l’amour d’un nouveau genre. On devinera aisément les raisons qui ont dû empêcher Chateaubriand de le faire figurer dans ses