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blancheur est souillée par le charbon des locomotives. Mais, ici, nous rentrons dans le domaine ordinaire du touriste : la prairie parcourue dans son uniformité pendant de longues journées, puis la traversée des grands lacs pour aboutir aux chutes du Niagara. Tout cela c’est du Bædeker ! Voici New-York avec ses maisons prodigieuses à vingt étages, ses chemins de fer aériens, ses allures de grande capitale à peine adulte, et dont il est difficile d’entrevoir les merveilleuses destinées. Car, dans très peu d’années, ce port de New-York aura dépassé comme importance celui de Londres, et son colossal mouvement d’affaires semble destiner cette place à devenir le premier marché du monde. Ce serait même un fait accompli, s’il faut en croire un aimable Yankee, compagnon de voyage dans ma traversée de l’Atlantique. Lui et quelques-uns des siens, grisés par leurs faciles succès contre l’Espagne, s’abandonnent volontiers aux poussées d’un trop-plein de sève. Et, dans des rêves d’avenir, ils entrevoient déjà Londres, la grande rivale, réduite à être la capitale paisible d’un pays qui aurait jadis été puissant et serait devenu depuis lors quelque chose comme une grande Hollande. Le 23 septembre, je débarquais à Queenstown : c’est la vieille et chère Europe. Maintenant le voyage accompli se pare des couleurs d’un joli souvenir.


Cte CHARLES D’URSEL.