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les prétentions de chacun dans le partage idéal ou réel de la Chine, de manière à établir certains principes généraux utiles à invoquer le jour où s’élèveront les querelles inévitables… Et surtout, il ne faudrait pas manquer d’inviter aussi la Chine à cet échange de vues, car, avec la philosophie qui la caractérise, œuvre sans doute d’une civilisation spéciale et compliquée, elle ne serait pas la dernière à accepter d’y prendre part.

Le 13 juillet, je quittais Pékin sous une averse diluvienne, laissant la ville dans une inexprimable confusion de ruisseaux débordés et de rues inondées. Des coolies louaient leur dos aux piétons pressés pour les passer d’une maison à l’autre, mes porteurs pataugeaient dans la vase, et mes bagages furent enlevés par un courant impétueux sur la charrette qui les transportait. Quelques jours plus tard, je débarquais à Nagazaki.


IV

Quand on arrive de Chine, le Japon est une vraie féerie ! De la verdure partout et, dans les rues, des gens polis, aimables ; de petites femmes trottinant sur leurs sabots élevés. Le long des maisons, qui n’ont pas l’air vrai, tant elles sont minuscules et proprettes, des enfans gentils à croquer ; des bonshommes japonais prenant des airs de gentleman qui ne leur vont pas ; des soldats guindés dans leurs uniformes européens ; et puis, des fils télégraphiques en abondance extraordinaire, des tramways, des locomotives : c’est un fouillis de choses nouvelles, de choses anciennes, de jolis petits riens, et de machines bruyantes, qui m’a singulièrement intéressé et dont j’ai subi le charme pendant les trois semaines que j’ai passées là.

Les femmes sont, à coup sûr, ce qui étonne le plus, car elles sont fourrées partout, et partout leur joli costume, leur coiffure soignée, leurs bonjours et leurs rires vous charment et vous amusent. C’est sous cette impression première qu’il faut relire les livres de Pierre Loti : Madame Chrysanthème est un portrait saisissant de la petite Japonaise telle qu’elle vous apparaît, corps et âme, tandis que, dans Japoneries d’automne, les descriptions de Tokio, de Nikko, de Kioto, vous font l’effet de photographies artistiques et littéraires.

Le trajet en bateau de Nagazaki à Kobé s’effectue par la mer intérieure, dont on aperçoit les côtes toujours pittoresques,