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assurances reçues de toutes les cours allemandes, que la Diète de Francfort déclarerait la guerre à la France dès que ses avant-gardes franchiraient les Alpes. Mais on n’était pas fixé sur les intentions du cabinet de Berlin, dont le langage demeurait vague et l’attitude louvoyante. La perspective d’une agression française en Italie ne le passionnait évidemment pas au même degré que les cours du Midi. L’Archiduc ne réclama pas une intervention immédiate ; son gouvernement se sentait de force à en finir avec le Piémont avant qu’une armée française ait eu le temps d’accourir. Il tenta de concerter un plan d’opérations militaires en prévision d’une guerre générale qui, du Tessin, s’étendrait sur le Rhin. La Prusse ne se souciait pas de faire la guerre pour le plaisir de maintenir les traités particuliers que l’Autriche avait fait signer aux princes italiens. « Ce serait un crime, disait la Gazette de Cologne, de mettre l’Europe à sang pour une cause aussi frivole. » Le baron de Schleinitz, d’ailleurs, n’avait pas attendu l’arrivée de l’archiduc Albert pour exposer sa politique. Dès le mois de février, il avait déclaré que, s’il n’entendait pas se dérober à ses devoirs fédéraux, il se refusait à prendre des engage mens excédant ces devoirs. Ce qui voulait dire qu’il se réservait l’entière liberté de ses mouvemens et de ses appréciations. Ne pouvant rien obtenir de précis, l’Archiduc espérait du moins que le Régent donnerait son approbation tacite à la résolution arrêtée à Vienne d’adresser un ultimatum au Piémont. C’était le rendre moralement solidaire des événemens ; il s’y refusa. Le Prince-Régent était trop avisé pour se laisser prendre à des considérations sentimentales.

Malgré les passions du parti militaire et du parti féodal, qui ne s’inspiraient que de la haine contre la France, le ministère persista à ne pas vouloir confondre les intérêts de l’Autriche avec ceux de l’Allemagne. Il n’armait que pour donner le change à ses confédérés et être prêt à tirer parti des chances qui ne tarderaient pas à s’offrir à ses ambitions.

L’archiduc Albert n’avait pas encore quitté Berlin, que l’Autriche adressait au Piémont, le 22 avril, une sommation injurieuse, le mettant en demeure de désarmer et de licencier ses volontaires. Depuis trois mois, l’Autriche manœuvrait à travers les récifs les plus dangereux, et, au moment d’entrer au port, saisie d’un accès de fièvre chaude, elle se rejetait dans la tempête, au risque d’y périr corps et biens.