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Walewski les assurances les plus positives que M. de Cavour n’avait pas réussi à ébranler l’Empereur dans son intention de maintenir la paix. Enfin sir James Hudson mandait de son côté, à la date du 3 avril, que Cavour, depuis son retour, manifestait des sentimens concilians et pacifiques.

La vérité, évidemment, est entre les deux versions. M. de Cavour avait dû sortir des Tuileries ni absolument découragé ni pleinement rassuré. C’est la moralité qui ressort d’une dépêche de M. Nigra au général La Marmora : « Cavour, télégraphiait M. Nigra, part demain ; il n’est guère satisfait de ses conférences avec l’Empereur et Walewski. »


XIX. — LE COMTE DE CAVOUR ET L’ÉMIGRATION HONGROISE

Kossuth, le grand agitateur hongrois qui, en 1849, gouverna la Hongrie, a consacré, dans les Souvenirs et Ecrits de mon exil, tout un volume à la guerre d’Italie. Son patriotisme était ardent, son imagination exaltée ; il croyait, sans se rendre compte des impossibilités matérielles ni des obstacles diplomatiques, que, si Napoléon III avait su hardiment associer, en 1859, la cause de l’indépendance hongroise à celle de l’indépendance italienne, l’Europe eût été à jamais délivrée du despotisme militaire. Kossuth, comme tous les proscrits, sacrifiait aux chimères ; si la Hongrie avait partagé sa foi, elle se fût soulevée spontanément, en voyant l’Autriche aux prises avec la France ; elle eût fait en 1859, sans attendre le débarquement d’une armée française à Fiume, ce qu’elle avait fait en 1849. Or, la Hongrie ne bougea pas, et les désertions de soldats hongrois enrôlés dans les régimens autrichiens furent en petit nombre. M. de Cavour et tous ceux qui avec lui escomptaient une insurrection hongroise en furent déçus. Le livre de Kossuth n’en est pas moins instructif ; il montre la place que la révolution a occupée dans les combinaisons de Victor-Emmanuel et de son ministre, de Napoléon III et de son cousin. Une conflagration générale avec l’aide des élémens révolutionnaires cosmopolites devait permettre à Cavour de se soustraire à la tutelle française et d’élargir le plan de Plombières bien au-delà des prévisions de son allié. C’est ce qu’il désirait. « Nous sommes perdus, disait-il au général La Marmora, si nous devons à la France notre indépendance. » — L’Italie, depuis cinquante ans, était d’ailleurs un foyer de conspirations où