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et dangereuses ; il était à prévoir que M. de Cavour, dont l’exaltation allait croissant avec les événemens, ne s’y soumettrait pas. Et cependant ne pas épuiser, avant d’agir, toutes les ressources de la diplomatie, c’était fournira l’Autriche un prétexte pour entamer la lutte.

On ne pouvait pas davantage reprocher à Napoléon III de sacrifier la cause de l’Italie, au moment où, grâce à lui, celle-ci allait être solennellement soulevée dans un congrès, et où il s’efforçait de convertir le cabinet de Vienne à l’idée des réformes et d’une confédération nationale. Mais le comte de Cavour n’avait que faire d’un congrès ; il lui fallait la guerre, et une guerre à fond, révolutionnaire ; plus elle durerait, plus il serait aisé de lui faire perdre la physionomie d’une expédition française et de lui donner un caractère purement italien.

Le comte de Cavour télégraphiait à M. de Villamarina (18 mars) : « Je mande au prince Napoléon que le congrès produit un effet désastreux dans la Lombardie et partout. Si la Sardaigne est exclue, je serai forcé de donner ma démission. Veuillez dire à Nigra qu’il recevra une lettre pour l’Empereur ; il faut qu’il parle avec énergie et lui dise que Walewski a écrit à La Tour d’Auvergne de manière à nous décourager et à nous pousser à un acte désespéré. » M. Nigra courut au Palais-Royal pour y demander aide et conseil ; mais le prince Napoléon était en froid avec son cousin et tout à fait brouillé avec le comte Walewski. M. Nigra ne put donc que s’engager à télégraphier à son chef de venir sans retard plaider lui-même sa cause aux Tuileries. Le 25, M. de Cavour arrivait à Paris. Il eut recours à toutes les ressources de son esprit, flatta, caressa, menaça, sans parvenir à ébranler la volonté du ministre. Fut-il plus heureux auprès du souverain ? C’est probable, mais cela n’est pas certain, à en juger par les impressions contradictoires qu’il paraît avoir rapportées de son voyage et par la longue épître qu’avant son départ il adressa à l’Empereur.

Le comte Walewski ne pouvait pas laisser ignorer à notre ministre à Turin ce qui venait de se passer. Voici ce qu’à la date du 30 mars il écrivait au prince de la Tour d’Auvergne :

« Le comte de Cavour part, je crois, ce soir. Pendant son séjour ici, ses efforts ont tendu : 1° à me renverser, 2° à obtenir son entrée au congrès ; 3° à empêcher la réunion du congrès ; 4° à faire en sorte que, si le congrès se réunit, il ne puisse pas aboutir. Il s’est