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plaisir d’aller à Marly[1]. » A Marly, la fièvre redoubla. Fagon la saigna d’abord du pied parce que sa tête se prenait. Le lendemain, voyant qu’il n’y avait pas de mieux, il s’effraya et la traita par l’émétique. Il y eut une légère amélioration, mais une rechute survint deux ou trois jours après. De nouveau Fagon la saigna au pied, mais sans succès. La léthargie alternait avec des accès de délire où elle voulait frapper ceux qui l’environnaient. Cependant, la connaissance lui revint. « Elle se crut perdue. En proie à de cruelles douleurs et voyant l’inutilité des remèdes, elle supplia qu’on la laissât mourir en paix et voulut se confesser. La règle exigeait qu’on fit appeler son confesseur en titre, le Père Gravé, qui avait remplacé le Père Lecomte. Mais le Père Gravé était absent. Dans la hâte et l’embarras, on s’adressa tout simplement au curé de Marly où elle était tombée malade. Elle montra des sentimens de piété qui touchèrent et édifièrent tout le monde. « Si sa maladie, écrivait Mme de Maintenon au roi d’Espagne, doit être considérée comme un effet du dérèglement de la vie qu’on faisoit, elle a été d’ailleurs très honorable à notre princesse qui y a fait voir toute la religion qu’on peut désirer. Elle voulut se confesser et le fit avec des dispositions et une résignation qui n’est pas de son âge. Sa raison et sa patience n’étoient pas moins surprenantes dans un naturel si vif[2]. »

Le Roi, Mme de Maintenon, le duc de Bourgogne étaient au désespoir, la Cour dans la consternation. Enfin elle revint à la vie, et sa convalescence fut l’objet d’une joie générale. Les Te Deum alternent dans le Mercure avec les madrigaux[3]. Cette convalescence fut longue, et, pendant qu’elle durait, Mme de Maintenon tomba malade à son tour. Elle avait soigné la duchesse de Bourgogne avec un dévouement auquel Saint-Simon lui-même est obligé de rendre justice. Elle paya sa fatigue, et dut demeurer au lit plusieurs jours avec une forte fièvre. Dès qu’elle put se lever elle retourna au chevet de la duchesse de Bourgogne, que la faiblesse contraignait de passer ses après-dînées au lit. Ce fut un prétexte à organiser chez elle des réunions dont les hommes étaient exclus, mais où un grand nombre de dames étaient admises, et où l’on jouait, naturellement. Les dames qui ne jouaient

  1. Sourches, t. VII, p. 100.
  2. Madame de Maintenon, d’après sa correspondance authentique, par M. A. Geffroy, t. II, p. 34.
  3. Mercure de France, août 1701, p. 367-368.