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par ma conduite, ce que je tâcherai de mériter à l’avenir. Je me flate que mon aage n’est pas encore trop avancé, ni ma réputation assez ternie pour qu’avec le temps, je n’i puisse parvenir. Je suis comblée de toutes vos bontés, et de ce que vous m’avez envoie pour achever de paier mes deptes. J’ay esté bien fâchée tantost de ne pouvoir vous en parler ; et comme je ne ferois que recomencer ce que j’ay fait tant de fois, j’ay cru qu’il valoit mieux vous récrire, afin de ne vous point donner encore un nouveau sujet de vous faire mal. Je suis au désespoir de vous avoir desplus. J’ay abandonnai Dieu, et il m’a abondonnai ; j’espère qu’avec son secours, que je lui demande de tout mon cœur, je me corrigerai de tout mes défaut et vous rendrai une santé qui m’est si chère et que je suis la cause que vous avez perdeue. Pour mon malheur, je n’auserois me flater que vous oubliés mes fautes, ni vous redemander, ma chère tante, une amitié dont je me suis rendue indigne. J’espère pourtant qu’avec bien du temps je la remeriterai ; c’est la seule occupation que je vas avoir[1]. »


Qui ne croirait qu’après une lettre aussi touchante, après ces marques de repentir, et ces promesses, la duchesse de Bourgogne n’ait pour jamais cessé de jouer ? Hélas ! il n’en fut rien, et, à ne consulter que Dangeau, qui mentionne avec soin ses plaisirs de chaque jour, on n’aperçoit trace d’aucun changement dans sa vie extérieure, sauf que le brelan remplaça peut-être pour quelque temps le lansquenet. Elle jouait partout, dans les salons de Versailles et de Marly, chez la princesse de Conti, dans toutes les fêtes qu’on lui offrait, et surtout chez elle. Dès qu’elle passait une journée au lit, ce qui lui arrivait souvent, elle rassemblait ses dames et entamait une partie avec elles. Bientôt même le lansquenet, quelque temps abandonné, revint en faveur. Cette fois le Roi et Mme de Maintenon se fâchèrent : ils entreprirent de lui faire entendre quelques remontrances sur la vie désordonnée qu’elle menait, où un jeu effréné ne faisait qu’alterner avec d’autres plaisirs. Il était bien tard, car nous sommes déjà en 1707. Voici en quels termes Mme de Maintenon raconte la scène à la marquise de Dangeau, dame du palais de la duchesse de, Bourgogne et une de ses plus fidèles amies.

  1. Mélanges de littérature et d’histoire, publiés par la Société des Bibliophiles français, p. 22.