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moyen d’amuser la Princesse, mais elle ne devait point avoir grand plaisir à ce théâtre perpétuellement dressé dans son cabinet. Cette tracasserie à propos des rôles la rebuta ; elle terminait ainsi cette lettre à son neveu par alliance dont nous avons cité un fragment : « Il faut jouer Athalie, puisque nous y sommes engagés ; mais, en vérité, il est agréable de s’ingénier de rien, non pas même pour eux. Vous faites aussi ces sortes de choses-là trop parfaites, trop magnifiques et trop dépendantes d’eux. Si on y retourne l’année prochaine, il faudra y donner un autre tour. Bonsoir, mon cher neveu ; que de dégoûts on trouve en tout ! »

On n’y retourna pas l’année suivante, soit que Mme de Maintenon, dégoûtée, ne voulût plus se donner la peine nécessaire, soit que la duchesse de Bourgogne trouvât la comédie tirée de l’Écriture Sainte un plaisir trop sérieux. Elle en avait d’autres à sa portée, plus faciles, mais plus dangereux, auxquels elle devait de plus en plus se livrer sans partage, et, comme actrice, elle en resta sur son échec dans le rôle de Josabeth. Avec le temps, s’il faut en croire Madame, certains scrupules seraient même venus à Louis XIV, à propos de ces trop fréquentes comédies. « Le malheur pour les pauvres comédiens, écrivait-elle, c’est que le Roi ne veut plus voir de comédies. Tant qu’il y allait, ce n’était pas un péché. C’en était un si peu que tous les évêques y allaient journellement. Ils y avaient une banquette pour eux, et elle était toujours bien garnie. M. de Meaux y était toujours. Depuis que le Roi n’y va plus c’est devenu un péché[1]. » Péché ou non, le théâtre ne fut plus dressé dans le cabinet de Mme de Maintenon, et la duchesse de Bourgogne dut se contenter des représentations de Fontainebleau et de Clagny.


III

Dans une lettre postérieure de quelques jours à celle que nous venons de citer, Mme de Maintenon écrivait à la princesse de Soubise (décembre 1701) : « Mme la duchesse de Bourgogne alla hier à Meudon ; elle n’y vit personne, et on lui fit jouer gros jeu, qui est sa passion dominante. On est très embarrassé avec tous ces gens-là[2]. » Ces gens-là, c’était Monseigneur, qui, installé à Meudon avec Mlle Chouin, et recevant à cause de cela fort peu de monde,

  1. Correspondance de Madame. Trad. Jæglé, t. I, p. 277.
  2. Mme de Maintenon d’après sa correspondance authentique, par M. A. Geffroy, t. II, p. 2.